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Critique de Fandol


Fandol
18 décembre 2021
Trois livres composent ce grand livre. Chaque livre se divise en plusieurs parties complétées par ce que Mohamed Mbouga Sarr, l'auteur, appelle des biographèmes, le tout étant un formidable hommage à Yambo Ouologuem, écrivain malien (1940 – 2017), lauréat du Prix Renaudot en 1968 avec le Devoir de violence. Premier romancier africain à recevoir une telle récompense, il fut accusé ensuite de plagiat, meurtrissure qu'il ne surmontera jamais vraiment.
La plus secrète mémoire des hommes tourne autour du dilemme qui hante tous les gens passionnés de littérature : écrire ou ne pas écrire.
T.C. Elimane, le héros du livre l'a fait. Il a publié le Labyrinthe de l'inhumain, oeuvre unique, magnifique, qui a suscité une grande admiration avant de déchaîner la haine de certains critiques l'accusant de plagiats. le jeune écrivain originaire du Sénégal, brillant étudiant qui avait tout sacrifié pour ce livre, ne s'en remettra jamais au travers d'une période de notre Histoire marquée par la Seconde guerre mondiale, les révoltes contre les dictatures sud-américaines et les tentatives de révolution en Afrique sub-saharienne.
C'est un jeune écrivain sénégalais, Diégane Laty Faye, qui découvre ce fameux Labyrinthe de l'inhumain, en août 2018. Si c'est autour de sa quête que s'articule le livre, je vais rencontrer beaucoup de personnages au cours de ma lecture, me perdre un peu, pour finalement retrouver mes repères grâce à un final bien mené.
Diégane commence sa quête avec Siga D. qui possède le livre et connaît bien les origines de son auteur. Elle est elle-même écrivaine, vit à Amsterdam, ses seins fascinent Diégane qui la nomme L'Araignée-mère.
En cours de lecture, je rencontre plusieurs écrivains francophones originaires d'Afrique, écrivains talentueux qui tentent de faire leur place et souffrent beaucoup d'un racisme qui, s'il ne s'affiche pas ouvertement, est bien présent.
Musimbwa en fait partie. Il est congolais. Comme il ne connaît pas le livre d'Elimane, Diégane le lui confie. Je rencontre alors une performance littéraire réussie bien que lassante : une phrase interminable s'étalant sur quatre pages et traitant des écrivains africains !
Au passage, je note des mots rares, signes d'un vocabulaire très riche comme les prolégomènes (notions préliminaires nécessaires à la compréhension), un schibboleth (mot venant de l'hébreu désignant ce qui ne peut être utilisé ou prononcé correctement que par les membres d'un groupe), un conseil consuétidunaire (synonyme de coutumier), ou encore des figures involucrées (corrompues), entre autres. Était-ce bien nécessaire, même s'il est toujours utile de découvrir des mots nouveaux de notre belle langue française ?
Le deuxième livre m'amène enfin au coeur du Sénégal où Ousseynou Koumakh (92 ans) est proche de la mort. Marène Siga raconte et commencent à se mêler passé lointain et présent. J'apprends beaucoup sur la vie d'un village sénégalais, ses rites, ses superstitions ou, tout simplement, le mode de vie de ses habitants. Beaucoup s'en contentent. Certains sont fascinés par la grande ville, Dakar, d'autres, brillants élèves, ne rêvent que de venir vivre à Paris, en France, ce pays colonisateur qui a tant bousculé et même détruit coutumes et traditions des différents peuples constituant ce pays.
C'est ainsi que le puzzle se met peu à peu en place, que je comprends un peu mieux pourquoi et comment Elimane est venu en France. le détail de ses origines familiales a beaucoup d'importance. Les nombreux retours en arrière, les récits qui se superposent et s'entrecroisent révèlent toute la diversité et la complexité d'une histoire ramenant toujours à la littérature et au besoin d'écrire.
J'avoue avoir eu du mal, souvent, pour savoir qui parlait, qui s'exprimait et j'ai pris cela un peu comme un jeu de piste, tentant de découvrir au plus vite, grâce aux indices donnés dans le texte, le nom de son narrateur. Mohamed Mbouga Sarr maîtrisant bien son sujet, réussit plusieurs fois à entremêler les époques et les narrateurs. Cela n'est pas facile pour le lecteur mais se révèle finalement passionnant.
Bien sûr, le lauréat du Prix Goncourt 2021, balade son lecteur aussi en Argentine après Amsterdam, l'essentiel se passant à Paris malgré une escapade dans le Lot puis en Normandie. Enfin, j'apprécie le retour aux sources, un final sénégalais dans ce village d'où tout est parti, où Diégane Latyr Faye retrouve vraiment la trace de celui qu'on appelait plus que Madag, le voyant. C'est beau, poignant et édifiant à la fois comme réflexion poussée sur la littérature et le métier – en est-il un ? – d'écrivain.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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