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Critique de Seraphita


Eve est une jeune femme qu'André a épousée pour sa dot. Elle meurt, empoisonnée par lui, sous les yeux horrifiés de Lucette, sa soeur. Pendant ce temps, Pierre, partisan de la liberté, fomente une insurrection contre le Régent et sa milice. Mais un traître stoppe tous ses projets en l'assassinant. Eve et Pierre se relèvent et leurs destins vont se croiser. Jusqu'à l'inexorable…

Cette lecture fut pour moi un vrai coup de coeur. Il y aurait tant à dire sur cette belle oeuvre, notamment sur un plan philosophique. Je m'en tiendrai à l'aspect littéraire et à mes ressentis.

Cette oeuvre est un scénario qui a été conçu en 1943 et publié pour la première fois en 1947. J'ai beaucoup apprécié ce genre : le style est dépouillé, sobre, efficace et va à l'essentiel. Les descriptions sont sommaires, les dialogues nombreux. On peut sans peine imaginer les scènes du film qui en a été tiré en 1947 (réalisé par Jean Delannoy, avec Micheline Presle et Marcel Pagliero). Les diverses scènes, titrées par le lieu où elles se déroulent, sont courtes, ce qui donne du souffle et un rythme intéressant à l'oeuvre.

J'ai notamment beaucoup aimé le début quand Sartre met en place l'intrigue : il sait prendre le temps de décrire la situation initiale des deux principaux protagonistes puis de montrer le croisement de ces deux destinées. Sartre a écrit une véritable partition réglée au millimètre près. Les événements s'enchaînent selon une progression savamment pensée jusqu'au final éblouissant de tragédie.

J'ai apprécié la noirceur de l'oeuvre qui dépeint l'après vie : Sartre a-t-il voulu décrire un enfer ? Je rapproche le thème de « Les jeux sont faits » d'une BD que je lis actuellement : « Purgatoire » de Chabouté où on donne l'occasion au héros décédé brutalement de racheter ses fautes passées en devenant la conscience éclairée des vivants. On pourrait aussi faire un lien avec le célèbre « Huis clos » de Sartre qui donne une vision désespérée de l'enfer.

Le titre de l'oeuvre délivre le message de l'auteur : « Les jeux sont faits » :
« - Et vous deux… Vous n'avez pas… ? fait le vieillard.
- Non, réplique Eve, non, nous n'avons pas… Les jeux sont faits, voyez-vous. On ne reprend pas son coup » (p. 162).
Même si on vous donne une deuxième chance, même si la vie peut vous sourire une deuxième fois, les jeux sont faits : on ne peut revenir en arrière, la mort vous rattrape fatalement, inexorablement.

Un beau livre qui nous fait réfléchir à l'amour, la mort, les illusions de la jeunesse, la liberté, la révolte. Un livre court, au style ciselé et sobre, qui se dévore d'une traite. Une histoire originale et une fin bouleversante.
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