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Critique de EvlyneLeraut


« Au cinéma ce qu'on voit n'existe pas. »
Sombre, attachant, implacable, « Héroïne », la place carrée lève son voile pavlovien, on ne bouge plus.
Nous sommes dans une ville semblable à tant d'autres et pourtant elle est unique.
La place carrée, ses hôtes, ses fureurs et ses turbulences. La vaste humanité , fleur qui perce sur le goudron immanquablement.
Ce deuxième livre qui fait suite à « Mathilde ne dit rien » est une chronique à ciel ouvert. L'exactitude d'un lieu et des transhumances intérieures.
Notre monde dans un cercle : la place et ses symboles.
Ils sont là, tous, les habitants de l'ère Covid, une fourmilière agitée, prise au piège des diktats qui ne laissent aucune chance.
Laura, infirmière, amoureuse de Marion, l'énigmatique mariée. Tonio, le pas de côté, les meurtrissures aux abois, Zoé, la petite lumière calée entre la littérature et la joie des amitiés enfantines. Et tous ont cette histoire semblable, le reflet d'une place en plein coeur.
Le récit est vivant, actif et réel. On ressent une empathie pour les protagonistes, jusqu'au chien de le Manouche qui s'appelle Stranje et pour cause.
D'aucuns ont l'expérience des résistances, des lignes jaunes franchies, des heures lourdes à affronter dos à dos les conséquences d'une confinement.
Ici, vous avez Laura et ses batailles à l'hôpital de Monzelle. L'authenticité d'une guerre contre le manque de tout, masques, blouses et les covidés qui tombent comme des mouches, sac blanc en plastique, l'horreur fermeture.
« Pourtant aujourd'hui, il comprend qu'il peut y avoir pire. Par exemple se faire choper au Leader Price de Monzelle en train de piquer des couches-culottes. Se faire choper, puis libérer sans poursuite, avec comme seule réprimande un plein tonneau de pitié déversé sur la tête. »
Je vous présente Thierry, père abandonné dans le radeau de Géricault. Rejoindre les sables mouvants, les petits dealers, affronter la meute de loups, héroïne, héroïne, le chant des sirènes.
La drogue est le pain qui manque, les coups bas et les violences citadines. Entre les palpitations d'un récit absolument sociétal, crucial parfois tendre et gorgé d'humanité, le tremblant de l'homosexualité, les quêtes existentielles et les douleurs qui courbent les dos et brouillent les regards de pluie glacée.
« Héroïne », un livre choc, coup de poing, d'une beauté inouïe.
« Laura apparaît au coin de la rue. Parmi les filles de SOS confinement, elle reconnaît Mathilde, une travailleuse sociale qui l'a aidée pour une demande de logement quand elle s'est installée ici. Une fille bizarre, un peu flippante mais serviable. »
Les retrouvailles, bond en avant avec notre contemporanéité écorchée vive.
Mais « au cinéma l'aube n'est jamais laide. La vérité ne débarque jamais à l'improviste au cinéma. L'héroïne tragique tue ou meurt. »
Tristan Saule est un collecteur de mémoire. Ce texte lave de volcan est nécessaire et détourne le fictionnel. Tout est criant, juste et émouvant. On est en plongée dans le huis-clos de la place carrée.
« Si tu veux une autre fin, lis un livre. »
« Au cinéma tout le monde tient ses promesses. »
Fraternel, engagé, humaniste, « au cinéma tant que le générique n'est pas terminé, il reste toujours quelque choses à sauver. »
« Héroïne » est une déambulation sur la place carrée du vrai-monde.
« Au cinéma, les couchers de soleil ne brûlent pas les yeux ».
Inoubliable, culte, incontournable, ce piédestal de la littérature dans la collection Parallèle Noir est publié par les majeures éditions le Quartanier éditeur.
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