Citations sur Héroïne (39)
Les mathématiques sont mystérieuses. Elles vous embrassent ou vous ignorent.
Au cinéma, tant que le générique n'est pas terminé, il reste toujours quelque chose à sauver.
Dans son regard, il y a une fournaise infernale, la forge maudite où sont façonnées les lames des pires vengeances. Il s’abat sur Bolleg, le roue de coups. Bolleg crie de douleur. Lounès l’attrape par le blouson, le retourne sur le dos, et continue à le frapper, au visage cette fois.
Ahmed est dans le vestibule de la tour 1, assis entre les poussettes que les mamans préfèrent laisser là plutôt que de les monter et les descendre de l’appartement trois fois par jour. À cette heure-là, personne ne le dérangera. Et puis, il sera à l’abri du vent. Avec l’hiver qui approche, il ne fait pas chaud, cette nuit. Il sort sa boulette d’héroïne et son matériel d’injection.
Alors que Laura porte les draps souillés vers la corbeille, le téléphone sonne. Le service de néphrologie a besoin d’un lit tout de suite pour un homme de soixante-six ans, admis huit jours plus tôt pour insuffisance rénale. À son arrivée, il toussait un peu et son état s’est aggravé. En début de soirée , il respirait avec peine. Il n’a pas été testé mais le scanner est parlant. Il est sûrement positif au corona. C’est Jean-Jacques Richter, un ancien collègue, infirmier à la retraite
Cette semaine-là, le soleil continue de baigner avec ironie un pays confiné, comme dans un vieux roman de politique-fiction où les lilas embaument, où les oiseux gazouillent, et où tout le monde est prisonnier. Les autorités sanitaires pensent que le pic épidémique a été atteint. Les courbes fléchissent pendant que les corps se lamentent, que les obsessions gonflent et suppurent, que la vaisselles vole dans les cuisine pleine de farine et de pain maison.
Le soleil plonge vers l’horizon, cherche une face de la Terre qui soit moins triste.
Le silence est inquiétant. Il ressemble à un type bien sapé, en costume et noeud papillon, qui prendrait ses aises dans le quartier. Le silence, depuis le début du confinement, fait cet effet-là. Il détone. Il n'a rien à foutre ici.
À 3 h 05, Richter débarque dans le service, sur un brancard poussé par le docteur Millot, furieux, et Quentin, l’aide-soignant. Le patient est très faible. Il ouvre grand la bouche pour respirer. À chaque inspiration, ses yeux reflètent un éclat de panique.
J’ai juste entendu sa voix. La docteure Hanh, elle a dit « OK ». Elle a dit « OK, on bouge pas d’ici. Vous lui faites la toilette mortuaire et, seulement après, je prononcerai le décès et on l’isolera. » C’est son mot pour dire qu’on la fout dans un sac. Mais elle a été cool. Nous, on a fait la toilette. Il y avait plus un bruit. C’était pas des belles funérailles. Il en aura pas, des belles funérailles, ce monsieur. Mais c’était déjà ça.