Pas étonnant que «
La rivière » soit un petit bijou car
Annie Saumont était une orfèvre de la nouvelle.
Après un roman exigé par son éditeur, Elle ne s'est consacrée qu'à ce genre peu goûté en France : la nouvelle. Son écriture est à l'aune de sa personnalité, sans bavardages inutiles. Des mots choisis cousus à petits points, un rythme donné par la ponctuation, c'est tout cela l'écriture de cette grande nouvelliste qui nous a quittés en 2017.
L'histoire débute avec
la rivière et « ses langueurs trompeuses », mais ne vous y fiez pas, car elle peut monter « en une crue soudaine ».
La rivière est le personnage principal, et l'intrigue se noue autour de son inertie car ce sont les personnages qui la côtoient qui nourrissent le récit : l'adolescent Vincent et Joseph, l'enfant vif comme une ablette, et puis la narratrice cachée dans la verdure et qui observe, et le promeneur qui a vu, mais qu'a-t-il vu vraiment ? Car il se passe quelque chose, au loin, des cris, peut-être même un drame qui se trame dans les eaux de
la rivière. Mais qui croire ? Et n'est-ce pas
la rivière elle-même qui, avec sa petit musique, décuple l'imagination ?
Ce petit livre (qui n'est plus édité et que j'ai trouvé chez un bouquiniste) est illustré par
Anne Laure Sacriste. Ses dessins, très sombres, appuient le mystère, donnent de la profondeur au récit. Certains se déploient sur deux feuillets, et, au plaisir de la lecture, se rajoute celui de découvrir ces reflets sombres d'eau et de sous-bois ponctués de tâches de lumière. Un écrin pour un bijou de nouvelle, c'est somptueux ! Je souligne le travail méticuleux, exigeant des éditions du Chemin de fer, travail qui met en scène la rencontre entre un auteur de texte court et un plasticien.