Ne pas dire grand-chose de la lecture traduit précisément l'acceptation de sa nature radicalement privée, individualisée et échappant à toute sanction d'(il)légitimité. (...) Ce que fait la lecture, comme la critique, ce n'est pas découvrir un sens (...) qui serait tapi dans l’œuvre (...), c'est générer un sens, c'est remplir de sens une forme.
La mort (réelle) de l'écrivain (...) crée les conditions pour que puisse naître la figure de l'auteur comme Loi de l'Œuvre. Tant que l'écrivain est vivant, les lecteurs sont libres (c'est peut-être une des raisons pour lesquelles l'école préfère les écrivains morts), personne ne pouvait se prévaloir d'être investi de l'autorité à parler à la place de qui est vivant (même si celui-ci, comme c'est le cas de nombreux écrivains, se tait quant à son œuvre). Mais dès qu'il est mort il devient la Loi de l'Œuvre qui, comme toute loi, nécessite des interprètes légitimes et compétents.
Les paroles pour l'ami mort, à qui parviennent-elles, sinon à "lui en moi", donc à moi-même ?
Un texte lisible est un texte qui peut être "consommé" passivement, alors qu'un texte scriptible exige une intervention active du lecteur : on ne peut le lire qu'en le réécrivant.
La langue n'est bonne que lorsqu'il y en a plus d'une. Dès qu'il n'y en a qu'une seule, elle devient mauvaise, parce qu'elle devient à la fois obligatoire (on ne peut pas passer à une autre) et autiste (elle est refermée sur elle-même).
Imaginer le désastre c'est, selon vous, l'accepter, de même qu'énoncer son caractère inévitable c'est l'asserter. (...) Le "fascisme" de la langue ne réside donc pas seulement dans le fait qu'elle nous oblige à parler, mais aussi dans le fait que par sa nature assertive elle nous engage toujours ontologiquement : dire que la mort est inévitable, c'est accorder l'être à la mort.
Car l'évocation est bien un acte de magie, si on la définit comme la capacité de faire advenir de l'être par la parole.