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Critique de AmeliaChatterton


Dans le cadre du Bingo à vapeur, je continue mes lectures steampunk avec ce recueil de nouvelles d'une autrice que je découvre avec plaisir. J'ai passé un joli moment de lecture, portée par une écriture fluide et titillée par le puzzle qu'elle assemble au fil de ses histoires.

Mon avis général sur le recueil :

Ce recueil rassemble 8 nouvelles steampunk écrites par la même autrice. le style de Delphine Schmitz est fluide et facile à lire. J'ai dévoré assez rapidement ces nouvelles sans grande difficultés et avec un enthousiasme constant.

Je vous recommande de lire les histoires dans l'ordre car on y retrouve la mention de personnages des histoires précédentes ou d'éléments tels que le sel de roche noire de Pondichery ou l'oxalte. Lus dans le désordre, vous risquez de ne pas comprendre les références aux nouvelles précédentes. L'autrice a créé un puzzle en disséminant des indices dans chaque histoire qui trouvent leur résolution dans la dernière.

Concernant l'ambiance et les univers, les nouvelles varient assez avec comme socle commun une esthétique steampunk et une action située fin XIXème siècle. On voyagera dans un sous-marin façon Jules Verne, on rencontrera plusieurs inventeurs, on visitera un musée de l'horreur et on parlera aussi d'objets maléfiques.

Les thèmes qui reviennent le plus souvent dans cette nouvelle sont les automates, les inventeurs (souvent fous), l'occultisme, l'aventure, et même le voyage dans le temps. Côté personnages féminins, on y trouve plusieurs figures de femmes fortes, ce qui équilibre d'autant les histoires.

Certaines nouvelles envoient un message fort autour de l'utilisation des technologies : une technologie avancée peut être mal employée si elle finit dans de mauvaises mains. Et à l'inverse, peut servir le bien de l'humanité quand l'inventeur a cet objectif. de manière générale, l'autrice nous interroge sur la nature humaine sous toutes ses formes, face au progrès. L'humain doit mieux comprendre son passé s'il veut aborder son futur sous un meilleur angle.

Au niveau des genres, plusieurs nouvelles relèvent du policier avec des enquêtes, une s'apparente plutôt du fantastique et une autre à l'horreur.

La dernière nouvelle relève plus de la Science-Fiction que du steampunk mais elle ne dénote pas pour autant : elle apporte la clé de certains indices disséminés judicieusement par l'autrice dans les nouvelles précédentes.

Mes nouvelles préférées sont : La rocambolesque Odyssée de l'Ulysse qui présentent une aventure vernienne, et Taxidermie où la mort est vue sous un oeil presque tendre, quoique sordide.

Bref, un recueil de nouvelles qui englobe les différents thèmes du steampunk. Idéal pour les débutants du genre.

Mon avis sur chaque nouvelle :

Les inventeurs de Val sur Rouille

Résumé : Au village de Val sur Rouille, deux inventeurs s'affrontent pour avoir la vedette auprès des villageois. Angus Pendule apprécie construire des automates-chimères alimenté par l'oxalte, un matériau possédé de lui seul. Ernst Pohligraph apporte de son côté des inventions pour faciliter la vie des habitants et améliorer la production du village. Les deux inventeurs vont se livrer une guerre sans merci jusqu'à l'arrivée d'une curieuse créature : la femme-loup.

Mon avis : Un affrontement machiavélique entre deux inventeurs que tout oppose : l'un plutôt de nature généreuse et artistique, l'autre obsédé par le profit et ses propres intérêts. On ne comprend les desseins des deux que lorsqu'il est déjà trop tard... Une nouvelle à suspense avec un rebondissement final assez saisissant, où l'ambiance de petit village est quelque peu oppressante. L'autrice sait amener par petites touches des portraits de personnages auxquels on s'attache mais qui dévoilent aussi leurs mauvais penchants. J'ai particulièrement apprécié l'inventivité poétique de Pendule et la manière dont les paysans sont retournés en faveur du plus machiavélique des inventeurs.

Camera Obscura

Résumé : 1883, sur une fête foraine, le jeune Albert, photographe amateur et fils de commerçant dans les colonies décide de lancer son premier stand photographique pour les plus démunis. Il souhaite apporter le progrès de la photographie pour tous, avec un nouvel ingrédient secret : sur sel de roche noire de Pondichery fournit par un mystérieux marchand. Mais l'expérience tourne au fantastique : les photos dévoilent l'avenir de ceux dont il a tiré le portrait...

Mon avis : Une histoire de voyage dans le temps à travers la photographie, voilà ce que nous propose l'autrice avec cette nouvelle. La nouvelle est une vaste enquête à rebondissements où Albert va tenter de contrer le destin et où le lecteur s'interroge avec lui sur la marche à suivre. J'ai adoré l'ambiance de fête foraine et les doutes d'Albert face à ses photos futuristes. Bien sûr, l'enquête ne sera pas de tout repos et même dangereuse. On s'interroge en fin de récit : et si Albert était prédestiné à vivre cette journée pour intervenir dans le futur de tous ces gens ? Une nouvelle sur le destin et ses effets qui ne laisse pas indifférente.

L'automate de Maître Sigismond

Résumé : Maître Sigismond est un vieil inventeur spécialisé dans les horloges qui vient de perdre sa femme. Se sentant seul, il décide de construire un automate capable de tricoter, alimenté par l'oxalte, un matériau rare et mystérieux envoyé par un ami inventeur. Au fil des jours, l'automate tricote inlassablement. Mais la nuit, des plats et des tâches que faisaient la femme de Maître Sigismond sont réalisés mystérieusement sans que ce dernier ne réussisse à prendre sur le fait son bienfaiteur.

Mon avis : Une nouvelle sur le deuil et qui s'inspire du conte du cordonnier (aidé par les lutins). J'ai beaucoup apprécié le personnage de Maître Sigismond, très apprécié dans le village et qui pourtant vit seul depuis son veuvage. Son automate apparaît comme un compagnon muet qui l'aide au quotidien sans rien demander en retour. Mais est-ce bien l'automate qui lui apporte son aide ? Jusqu'au bout, le lecteur n'en saura rien, tout comme Maître Sigismond. Mais le secret mérite-t-il d'être percé ? Une figure d'inventeur plutôt positive même s'il agit pour son propre intérêt, avec des airs de Pygmalion. L'oxalte apparaît pour la première fois ici comme une énergie mystérieuse et nous ne sommes pas au bout de nos surprises...

La rocambolesque Odyssée de l'Ulysse

Résumé : Louise Bunsen est embauchée comme conceptrice de sous-marin et scientifique pour une expédition marine menée par le capitaine Albéric de Hauban. Leur objectif : trouver les dernières sirènes vivantes dans un lieu mystérieux au milieu de l'océan. L'équipage est petit, composé essentiellement d'hommes et dès le départ la présence de la jeune femme semble poser problème à certains par pure superstition. D'autant que la demoiselle cache un lourd secret...

Mon avis : Une nouvelle qui fait référence à l'Odyssée d'Ulysse et à Moby Dick, avec une héroïne au fort caractère. C'est une des nouvelles les plus féministes du recueil où l'autrice met en avant une jeune scientifique qui fait fi des conventions sociales et souhaite faire valoir son travail au même titre que les hommes. Son secret lui mettra des bâtons dans les roues, tout en faisant référence à un certain Docteur. L'aventure maritime est palpitante, mêlant découverte scientifique, animaux fabuleux avec un zeste de science-fiction. Elle donne des indices sur la dernière nouvelle et laisse le lecteur imaginer un autre univers. Elle montre surtout l'obsession et l'ambition des hommes face à un objet qu'ils désirent convoiter et les efforts qu'ils sont capables de déployer pour l'acquérir. A l'inverse, Louise apparaît comme une vraie scientifique : désireuse de connaître les choses sans les détruire ou les mettre en danger. Une vraie leçon de science et l'une des nouvelles que j'ai préférées dans le recueil.

Taxidermie

Résumé : 1896, la Chambre des horreurs est un musée parisien à sensation où sont reconstitués les crimes en vogue les plus sordides grâce à des poupées de cire. Gustave et Anathase, sont deux frères fils de taxidermistes qui possèdent le musée. L'un médecin légiste, l'autre sculpteur sur cire, ils réalisent les mises en scène en apportant une touche personnelle secrète : les visages des criminels de cire ont été prélevé sur les visages des vrais criminels décapités pour plus de réalisme. Quand l'Etrangleur de Barbès arrive au musée avec des yeux particuliers dénichés par Gustave dans un vieux coffre-fort de son père, la blague prend des proportions fantastiques. L'Etrangleur est mort, et pourtant, de nouvelles jeunes filles sont retrouvées étranglées Rue Barbès...

Mon avis : Une de mes nouvelles préférées du recueil, autant pour le côté sordide que pour l'enquête fantastique menée par Gustave et sa fiancée Sybille sur les nouveaux meurtres. L'autrice réussit à rendre visible la rivalité entre les deux frères concernant Sybille en quelques mots, l'ambiance glauque du musée en quelques phrases. Ici, la nature humaine est explorée face au sordide et aux lieux à sensations : le public est subjugué, amusé, effrayé. Les yeux de la statue, étrange au départ, trouvent sens par la suite. La fin de la nouvelle est tout aussi glauque que le début, mais correspond tout à fait aux personnages principaux. Une belle plongée dans un musée des horreurs.

Seuls le diable et moi
Résumé : 1895, le capitaine Albéric de Hauban remporte aux enchères une longue-vue ayant appartenu à Barbe-Noire, au grand dam de la médium Madame Aether qui souhaitait acquérir l'objet. Quelques temps après l'acquisition, le capitaine commence à se comporter de manière étrange et se réveille dans des endroits incongrus totalement débraillé avec des objets de valeur sur lui, et il passe son temps à demander du rhum à son domestique. En parallèle, l'homme Ptéranodon veille sur la ville, tel Batman du XIXème siècle…

Mon avis : Une nouvelle teintée d'occultisme et de spiritisme dans un Paris Belle-Epoque, où cela était fort en vogue. Un capitaine avec un dédoublement de la personnalité et une jeune médium qui semble s'y connaître en possession : réussiront ils à conjurer le mauvais sort ? Les transformations du capitaine sont impressionnantes, dignes d'un homme des cavernes. On y retrouve le personnage du capitaine de la nouvelle La rocambolesque Odyssée de l'Ulysse et ce qui semble être la magicienne de la nouvelle Camera Obscura ce qui permet de cerner un peu mieux les deux personnages. La longue-vue cache d'autres secrets plus vastes qui m'ont fort étonnée. L'homme Ptéranodon, présenté comme un justicier masqué (mais surtout comme une version de Batman dinosaure) m'a fait beaucoup sourire au début du récit. J'ai par la suite apprécié son histoire tragique et les raisons qui l'ont poussées à devenir justicier. Il m'a fait beaucoup penser au roman feuilleton le Baron Noir, dans une moindre mesure. Chose rare : contrairement aux autres nouvelles, l'essentiel de la nouvelle a lieu la nuit et dans des quartiers de Paris différents, les bas-fond comme les plus riches. Une nouvelle entre Docteur Jeckyll et Mister Hyde sauce pirate qui auraient rencontré Batman.

Télétempus
Résumé : 1900, Carthemer, Manoir des Cent Cèdres, Théodore Binère, jeune homme de bonne famille passionné de sciences acquiert un automate tricoteur auprès d'un antiquaire. Il décide de réaliser la première machine à compter afin d'apporter un progrès scientifique pour le bien de tous. Il est contre l'avis de ses parents qui ne souhaitent qu'une chose : le marier à un bon parti pour perpétuer leur nom et leur fortune. le jeune homme s'enferme des jours entiers avec sa machine jusqu'à ce qu'un miracle survienne : La machine lui parle et la voix vient du futur…

Mon avis : Cette nouvelle met en scène une invention que nous connaissons tous avec des moyens du XIXème siècle additionnés d'une touche de technologie inconnue. La conversation entre les deux protagoniste est ubuesque car l'un n'a pas les codes de langage de l'autres et le lecteur ne peut que sourire ( car lui sait de quoi il est question). La chute ne manque pas de sel pour notre héros qui va continuer ses expériences suite à cette rencontre du troisième type, quitte à vouloir changer l'avenir de l'humanité. Cette nouvelle nous interroge sur notre réaction face à cette découverte : faut-il utiliser le savoir du futur pour faire le bien ou le mal ? Une nouvelle qui mélange voyage dans le temps et qui interroge les moeurs du passé.

Le conseil des perpétuels
Résumé : Quelque part dans l'espace infini, le conseil des Perpétuels se réunit : leur frère le Perpétuel Temps a dépassé les limites et il doit en payer les conséquences.

Mon avis : Une jolie nouvelle qui clôt magnifiquement ce recueil. On y croise des être supérieurs, un destin contrarié et surtout un artiste renommé. L'ambiance est poétique et nous incite à déployer notre imagination. L'autrice a su proposer un énième rebondissement et apporter une solution au puzzle complexe disséminé dans les autres nouvelles. La nouvelle est surprenante et je ne m'attendais pas du tout à cette conclusion. Elle a dépassé mes espérances. Une nouvelle qui défie l'espace et le temps pour le bien de l'humanité.

En conclusion : Un recueil steampunk à l'écriture fluide et au style poétique et agréable. Des nouvelles qui sont liées entre elles et trouvent leur résolution de manière surprenante dans la dernière histoire. Une réflexion sur la nature humaine et sur sa capacité à inventer des machines pour détruire ou améliorer le monde. Un joli recueil idéal pour débuter dans la littérature steampunk car il reprend les principaux thèmes de ce genre en plus de son esthétique.
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