Déjà père et bientôt orphelin, sans rescapés pour raconter l'indicible mais avec le devoir de transmettre. Un vertige générationnel, comme lorsque l'on perd sa mère et, avec elle, le secret de notre essence.
(..) j'ai moi-même donné la vie sans avoir pu échapper à la lumière de nos morts, ni à celle de nos tout derniers survivants. Ni à Rosa.
Jamais je n'oublierai la fragilité de leur corps quand il était temps de baisser la voix ; c'était sans doute cela le plus difficile, laisser place au silence et à l'inconnu de l'héritage après avoir parlé des camps.
Les craintes de la guerre et de la déportation ont laissé place à l'espoir qui s'éclipse entre chaque note, sous l'immensité de la voûte céleste. Je courais, à bout de souffle, et les paroles frappaient contre mes tempes, pour me dire que j'étais vivant, elles me rassuraient en me chuchotant que demain viendrait la lumière.
Puis notre bébé était né et les craintes s'étaient envolées, jusqu'à ce soir et la solitude de cette dernière nuit à les attendre. Comme s'il pouvait leur arriver quelque chose loin de moi. Comme si je craignais de ne pas me réveiller pour les accueillir. Comme si je n'étais pas prêt à me dire : je suis père.
Il fallait trouver des moyens de raconter autrement, la troisième génération devait être capable de s'affranchir du silence imposé par ses parents et chercher la façon la plus juste de prononcer l'imprononçable.
Qu'il entende son nom en.la sachant en vie. Sinon, comment nous croiront-ils ?
Chaque soir dans une tenue différente, Rosa aux identités infinies liste sans raconter, elle nomme, martèle, pour qu'on ne puisse jamais nier.