à vingt-deux ans, ayant donc atteint depuis un certain temps l'âge adulte, ayant d’autre part obtenu un quotient intellectuel de 170 lors des tests d’intelligence, elle aurait dû considérer comme normal d’être traitée en adulte intelligente. Or, elle ne se sentait jamais ni l’une ni l’autre auprès de sa mère ni même auprès de son père. Ses parents étaient dans la quarantaine quand elle était née ; elle n'avait jamais connu sa mère autrement qu’avec des cheveux gris. Elle supposait que c’était cette relationIsaac-Abraham entre elle et ses parents, ce fossé large de deux générations au lieu d'une seule qui les séparait, aggravé du fait qu'elle était enfant unique, qui expliquaient qu’en présence de son père et de sa mère elle demeurât toujours une enfant. D'une certaine façon ses parents refusaient de la considérer comme une adulte.
la vérité se trouve au fond de l'être et (…) la façade n'est qu'un mensonge.
Cette amère solitude avait une compensation. Peggy Lou éprouvait à être indépendante un véritable sentiment de réussite. Isolée, elle s'arrangeait en quelque sorte à se sentir libre – quoique cette liberté-là lui donnât envie de creuser un trou jusqu'au centre même de l'univers.
Souvent il lui semblait qu’elle était en train de dormir de jour aussi bien que de nuit. Souvent aussi, il n’y avait aucune ligne de démarcation entre le moment où elle se couchait le soir et celui où elle se réveillait le matin. En de nombreuses occasions, elle se réveillait sans s’être endormie, ou bien elle s'endormait pour se réveiller non le matin suivant mais à quelque moment impossible à identifier.
Le mot « maintenant » la torturait ; c'était une notion impossible à cerner, car elle ignorait quelle période s'était écoulée depuis le moment où elle était en train d’attendre l'ascenseur. Si seulement elle pouvait se rappeler. reconstituer les événements qui l’avaient amenée ici, peut-être parviendrait-elle à comprendre... Elle ne retrouverait pas la paix avant d’y être arrivée.
Pour Sybil, qui individualisait souvent les gens, les humeurs et les choses par des couleurs, qu avait décrit ses deux années perdues entre neuf et onze ans comme « bleues » et avait imaginé des poulets à pattes bleues, Ramon paraissait brun, brun comme la terre.
Nous avons tous des parties diverses dans nos personnalités. L'anomalie ne réside nullement dans la diversité, mais dans la dissociation, dans le dédoublement, dans l'amnésie, et dans les terribles traumatismes qui y ont donné lieu.
Il n'y a pas de passé. Le passé est le présent quand vous le porter en vous.
Elle avait l'impression de marcher à côté d'elle-même et de se regarder agir. Et parfois il lui était impossible d'établir une différence entre ses rêves et cette réalité pareille à un rêve.
Ces symptômes étaient aggravés par des maux de tête si violent qu'après une crise de ce genre, elle devait restée couchée pendant plusieurs heures. Et alors qu'elle avait en général le sommeil léger, celui dans lequel elle tombait après ces maux de tête était si profond qu'on l'aurait crue droguée.