Ils firent l’amour sans un mot, dans la nuit et la chaleur de leurs camarades épuisés avec l’énergie de ceux qui ne connaîtront pas de lendemains heureux. A plusieurs reprises, le train changea de ligne et ni Fernand, ni Lucìa ne savaient plus où ils se trouvaient. Il s’agissait d’une expérience neuve, excitante, pleine de possibilités. Se battrait-on du côté de Madrid ou en Catalogne ? Au moment où épuisés, les corps sombrèrent dans le sommeil, bercés par la douce musique du rail, cela n’avait aucune importance. Il n’y avait plus là que de magnifiques vaincus.
– Marie-Gertrude, as-tu mal quelque part ?
– Partout, docteur, m’entends-je dire d’une voix faible. Ce corps brûle…
– Mon corps, répond-il en insistant sur « Mon », il faut dire « Mon » quand on parle de son propre corps. Comprends-tu ?
Ensuite, il tourne la tête vers l’uniforme kaki pour ajouter deux phrases qui me transpercent. Surtout « Elle est à vous ».
– Ils ont encore des problèmes avec la grammaire, mais avec le temps, nous en tirerons quelque chose. Elle est à vous, Édouard.
Derrière lui, on referma la porte coulissante, celant l'étreinte, les mots échangés, les silences. Et la porte prit la forme d'une parenthèse. Et cette parenthèse s'éloigna, puis disparut au sortir d'une courbe.
Existe-t-il un lien entre la grammaire et l'exercice de la violence ?
Aurais-je dû intervenir au risque de compromettre ma 'couverture' ? Est-il juste de laisser souffrir un seul être afin de dénoncer le système affectant tous les autres ?
Qu'est-ce que c'est Dieu ? Ici, ils disent tout le temps Deus. C'est une voix gentille ou méchante ?