AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Dombrow01


Les amnésiques parle de la montée du nazisme en Allemagne, et surtout de l'après-guerre, comment beaucoup ont voulu oublier leur adhésion à l'idéologie fasciste pour se présenter en victimes du régime. L'auteure ne parle pas exclusivement de l'Allemagne, elle raconte également la France, l'Autriche et l'Italie, 3 pays dont les habitants ont eu la mémoire bien sélective.

Elle nous explique d'abord l'enthousiasme qu'a déclenché l'arrivée au pouvoir des nazis, car la 1ère guerre mondiale, suivie de la crise de 1929 avaient jeté l'Allemagne dans une misère noire, et il faut avouer que les financiers du Reich ont fait un travail remarquable. Les Allemands qui allaient faire leurs courses avec une brouette de billets ont retrouvé une monnaie stable et un niveau de vie correct. "De la viande dans notre soupe", voilà ce que peut faire adhérer à un régime politique. Elle nous raconte que le Reich avait acquis des bateaux de croisière afin que des gens du peuple puisse goûter aux plaisirs jusque là réservés aux riches (700.000 Allemands en ont bénéficié). Hitler voulait aussi que tous les Allemands puissent avoir une voiture, "la voiture du peuple" (Volkswagen en allemand). L'auteure nous décrit également la fascination qu'exerçait Hitler sur les femmes, "A la fin de la guerre, beaucoup de femmes crièrent leur détresse après la défaite du Führer, et certaines n'hésitèrent pas à se donner la mort".

Tout ceci explique le soutien quasi unanime dont a bénéficié le Führer avant la guerre. On oubliait la violence du régime et on fermait les yeux lorsque les SA s'attaquaient aux Juifs dans la rue. Là encore les nazis ont agi finement, en instaurant progressivement la terreur pour mieux la faire accepter. L'auteure nous apprend d'ailleurs que le régime a reculé sous la pression de l'opinion publique scandalisée par l'euthanasie des handicapés. Ce qui laisse penser que si les gens avaient réagi également aux persécutions contre les Juifs, l'holocauste n'aurait pas eu lieu. Elle ajoute qu'en Bulgarie "lorsque l'Allemagne exigea les quelque 50 000 juifs de Bulgarie, les citoyens s'y opposèrent avec une telle virulence que l'idée fut rapidement abandonnée".

L'auteure nous parle aussi de ce qui s'est passé dans le reste de l'Europe, car l'Allemagne n'était pas seule. En France le régime de Vichy a anticipé les demandes nazies et effectué des rafles en zone libre, en Hongrie Eichman, qui disposait seulement d'une centaine d'hommes a pu déporter 430.000 juifs en deux mois grâce à l'aide des autorités du pays. En Roumanie également des massacres de Juifs furent organisés par le gouvernement Antonescu, quant aux pays baltes ils détiennent le taux le plus élevé d'extermination de la population juive. Ils considéraient les Allemands comme des libérateurs après avoir été d'abord envahis par l'URSS, mais quand même, ils ont fait preuve d'un zèle au-delà des attentes des nazis.

Le thème de l'après-guerre est un véritable casse-tête. Punir les coupables ou favoriser la réconciliation ? En Allemagne il y eut peu de condamnations, et beaucoup de bourreaux ont fini leur vie tranquillement dans leur lit. Tout le monde se réfugiait derrière la nécessité d'obéir, en oubliant que beaucoup avaient mis un zèle particulier à l'exécution de leurs tâches criminelles. "« Nous avons une époque si confuse derrière nous, qu'il est de manière générale recommandable de faire table rase » disait Adenauer. Et l'auteure nous apprend qu'en 1951, 40 des Allemands affirmaient préférer l'ancien régime au nouveau. Même s'il faut admettre que la fin des années 1940 a été cauchemardesque pour les Allemands, ce chiffre fait peur.

Car c'est là le thème principal du livre, la mémoire. « Auschwitz n'a pas été un accident de l'Histoire […] et beaucoup de signes montrent que sa répétition est possible » dit Imre Kertész (Prix Nobel de Littérature 2002). A force d'oublier le passé, les Français se souviennent de la Résistance mais pas de Vichy, les Italiens de leurs combats contre l'Allemagne mais oublient qu'ils étaient leur premier allié, les Autrichiens se rappellent avoir été envahis par l'Allemagne mais oublient qu'ils ont accueilli Hitler à bras ouverts (bras tendu plus exactement).

L'auteure nous raconte les années 1970 en Allemagne et la montée en puissance de l'extrême gauche, la Fraction Armée Rouge, dont son père disait "ils avaient glissé vers l'anarchie. Je ne me reconnaissais pas dans ces groupes qui étaient devenus tellement rigides dans leurs dogmes qu'ils commençaient selon moi à ressembler à ceux qu'ils critiquaient". Pendant ce temps certains soit-disant intellectuels comme Sartre soutenaient ce mouvement et critiquaient la réaction du gouvernement allemand. Encore une fois Sartre aurait mieux fait de se taire, comme lorsqu'il se targuait d'être un défenseur de la liberté en soutenant les crimes de l'URSS.

La fin du livre dresse un parallèle avec des évènements récents, dont l'arrivée des réfugiés syriens en Allemagne et les émeutes anti-immigrants en Allemagne de l'Est principalement. Elle explique cette attitude par le fait que les Allemands de l'Est ont été nourris de la propagande soviétique qui voyait les communistes comme des victimes des nazis. Ils ont juste oublié que leurs ancêtres étaient du côté des nazis à l'époque. de plus les sociétés des pays de l'Est étaient beaucoup moins mélangées que celles de l'Est car elles n'ont jamais attiré les émigrés des autres continents.
Elle cite l'exemple de Rostock qui comptait alors 1 640 étrangers pour 240 000 habitants. "Sur les images, on voyait une foule dégoulinante de haine et de violence clamer en choeur : « Les étrangers dehors ! », « L'Allemagne aux Allemands ! », et certains faire le salut nazi : « Sieg Heil ! ». Depuis les balcons et les fenêtres des immeubles voisins, des habitants contemplaient le spectacle et criaient : « Encore ! Encore ! » "

L'inconvénient de ce livre par ailleurs très intéressant, et presque nécessaire, est qu'il est trop détaillé pour qui ne maitrise pas le sujet. Il gagnerait à être réduit pour être accessible au plus grand nombre et ainsi mieux faire connaitre les idées qu'il veut nous transmettre.
Commenter  J’apprécie          32



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}