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Citations sur J. S. Bach Le Musicien-Poète (29)

Le langage musical de Bach est le plus développé et le plus précis qui existe. Il a, en quelque sorte, ses racines et ses dérivations comme n’importe quelle langue.

Il existe toute une série de thèmes élémentaires procédant d’images visuelles, dont chacun produit toute une famille de thèmes diversifiés, selon les différentes nuances de ridée qu’il s’agit de traduire en musique. Souvent, pour une même racine, on trouvera vingt à vingt-cinq variantes dans les différentes œuvres ; car, pour exprimer la même idée, Bach revient toujours à la même formule fondamentale. C’est ainsi que nous rencontrons les thèmes de la « démarche » (Schrittmotive), traduisant la fermeté ou l’hésitation ; les thèmes syncopés de la lassitude, les thèmes de la quiétude, qui représentent des ondulations calmes ; les thèmes de Satan, exprimant une sorte de reptation fantastique ; les thèmes de la paix sereine ; les thèmes des deux notes liées, qui expriment la souffrance noblement supportée ; les thèmes chromatiques en cinq ou six notes, qui expriment la douleur aiguë, et, finalement, la grande catégorie des thèmes de la joie.
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Le vieux Bach avec toute son originalité, fils de son pays et de son temps, n'a pas su échapper à l'influence des Français, notamment à celle de Couperin. On veut se montrer aimable (gefàllig enveisen), il en résulte des œuvres qui ne sauraient rester telles qu'on les produit. Heureusement, il n'y a qu'à enlever ces «amabilités, ces couches de légère dorure", et la vraie valeur apparaît aussitôt. C'est ainsi que j'ai arrangé, pour mon usage propre, beaucoup de Cantates, et mon coeur me dit que de là-haut, le vieux Bach m'approuve par un signe de tête, comme autrefois le bon Haydn: "Oui . . . c'est bien!"
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Mais le plus curieux, c’est que ce langage de Bach n’est point le fruit d’une longue expérience. Les différents motifs de la douleur se trouvent déjà dans le Lamento du Cappricio, qu’il a écrit entre dix-huit et vingt ans. Quand il composait l’Orgelbüchlein, qui date de l’époque de Weimar, il avait environ trente ans. Or, à ce moment, tous ses motifs expressifs typiques sont déjà arrêtés et fixés, et, dans la suite, ne subiront plus aucun changement. C’est qu’en cherchant à représenter en musique toute une série de chorals, il se vit forcé de chercher les moyens de s’exprimer simplement et clairement. Il renonce alors à décrire par le développement musical et adopte le procédé qui consiste à tout exprimer par le thème. En même temps il fixe les formules principales de son langage musical.

Ces petits chorals sont donc le dictionnaire de la musique de Bach. C’est de là qu’il faut partir, pour arriver à comprendre ce qu’il veut dire dans les cantates et dans les Passions.
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Il existe une quinzaine ou une vingtaine de ces catégories dans lesquelles on peut faire rentrer tous les motifs expressifs caractéristiques de Bach. La richesse de son langage ne consiste pas dans l’abondance de thèmes différents, mais dans les différentes inflexions que prend le même thème suivant les occasions. Sans cette variété de nuances, on pourrait même reprocher à son langage une certaine monotonie. C’est en effet la monotonie du langage des grands penseurs qui, pour rendre la même idée, ne trouvent toujours qu’une expression unique, parce qu’elle est la seule vraie.

Mais son langage permet à Bach de préciser ses idées d’une façon surprenante. Il dispose d’une variété de nuances dans l’expression de la douleur et de la joie, qu’on chercherait vainement chez d’autres musiciens. Une fois connus les éléments de son langage, les compositions même qui ne se rattachent à aucun texte, comme les préludes et les fugues du Clavecin bien tempéré, deviennent parlantes et énoncent en quelque sorte, une idée concrète. S’agit-il d’une musique écrite sur des paroles, on peut, sans regarder le texte, en préciser les idées caractéristiques à l’aide des thèmes seuls.
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Quoi qu’il en soit, le fait reste certain : l’intérêt pictural chez lui l’emporte parfois sur l’intérêt musical. Bach, lui aussi, a outrepassé les limites de la musique pure. Mais son erreur, n’est pas comparable à celle des grands et des petits primitifs de la musique descriptive, qui péchaient par ignorance des ressources techniques de l’art ; elle a sa source dans l’exceptionnelle hauteur de son inspiration. Goethe en composant son Faust croyait écrire une pièce propre à être représentée au théâtre. Or, l’œuvre devint si grande et si profonde, qu’elle peut à peine supporter la représentation scénique. Chez Bach, de même, l’intensité d’une pensée qui aspire à s’exprimer sans réticence et en toute sincérité est parfois telle qu’elle fait tort à la beauté purement musicale de ses ouvrages. Il a pu se tromper : mais ses erreurs sont de celles que seul le génie est capable de commettre.
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Toutefois, dans sa recherche de la trop grande précision de langage, il lui arrive parfois d’outre-passer les limites naturelles de la musique. Il est indéniable qu’on trouve dans ses œuvres bien des pages qui causent une déception à l’audition. C’est que bon nombre de ses thèmes procèdent plutôt de la vision que de l’imagination musicale proprement dite. En cherchant à reproduire une image visuelle, il se laisse entraîner à créer des thèmes qui sont admirablement caractéristiques, mais qui n’ont plus rien de la phrase musicale. Dans les œuvres de jeunesse ces exemples sont rares, parce que l’instinct mélodique est encore plus fort que l’instinct descriptif. Mais plus tard, les exemples de cette musique ultra-picturale deviennent assez fréquents. Parmi les grands chorals de 1736, quelques-uns, comme les chorals sur la sainte-cène (VI No. 30) et sur le baptême (VI No. 17), sont déjà par delà les limites de la musique. Il en est de même de tous les airs construits sur des thèmes figurant la démarche d’un homme qui trébuche. C’est ainsi que la cantate « Ich glaube Herr, hilf meinem Unglauben » (J’ai la foi Seigneur, aide-moi dans mon doute) No. 109, est presque insupportable à l’audition, parce qu’elle décrit la foi défaillante à l’aide de thèmes de ce genre. Bach jouant lui-même ou dirigeant ces morceaux, savait-il les faire agréer par la perfection de l’exécution ? Avait-il un secret d’interprétation que nous n’avons pas encore découvert ?
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Qu’est-ce à dire, sinon que la musique de Bach n’est descriptive qu’en tant que ses thèmes sont toujours déterminés par une association d’idées picturale ? Cette association, tantôt s’affirme énergiquement, tantôt est comme inconsciente. Il y a des thèmes dont, au premier abord, on ne soupçonnerait pas l’origine picturale, s’il ne se trouvait, dans les autres œuvres, toute une série de thèmes analogues dont l’origine n’est point douteuse. Ce sont alors les thèmes plus accentués qui éclairent l’origine des autres. En rapprochant les thèmes de Bach, on découvre une série d’associations d’idées picturales qui se reproduisent régulièrement, quand le texte y donne lieu. Cette régularité dans l’association des idées, on ne la trouverait ni chez Beethoven, ni chez Berlioz, ni chez Wagner. Le seul qu’on puisse comparer à Bach, c’est Schubert. L’accompagnement de ses Lieder repose sur un langage descriptif, dont les éléments sont identiques à celui de Bach, sans toutefois atteindre à sa précision. Il ne connaissait guère les œuvres du Cantor de Leipzig, mais voulant traduire en musique la poésie des Lieder, il devait nécessairement se rencontrer avec celui qui avait traduit en musique la poésie des chorals.
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De plus, quand il suit les indications d’un texte, il n’appuie pas à la façon prétentieuse des primitifs. On admirera de quelle façon modeste il souligne, dans les récitatifs de la Passion selon St. Matthieu, un mot par ci, un mot par là. Ce sont comme de légères inflexions de la musique, destinées à passer inaperçues. De même, dans les cantates et dans les chorals. Par contre, un motif nouveau apparaît-il dans le texte, la musique change aussitôt, car, pour Bach, une nouvelle image nécessite un nouveau thème. Ils ne sont pas rares, les grands chœurs, où deux et même trois thèmes successifs interviennent à tour de rôle parce que le texte les appelle. Ainsi dans la cantate « Siehe, ich will viel Fischer aussenden » (No. 88), écrite sur ce texte de Jérémie : « Voici, j’envoie une multitude de pêcheurs, dit l’Éternel, et ils les pécheront ; et après cela j’enverrai une multitude de chasseurs, et ils les chasseront. » La musique de la première partie dépeint le mouvement des vagues, car le mot « pêcheur » évoque un lac aux yeux de Bach ; dans la seconde moitié (Allegro quasi presto), ce sont les chasseurs qui parcourent la montagne : on entend des fanfares. Bien des airs présentent la même singularité : le thème de la partie médiane correspond à une autre image que celui de la partie principale.
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Bach a-t-il eu nettement conscience de cet instinct pictural ? Il ne semble guère. On ne trouve, à notre connaissance, dans ses confidences à ses élèves, aucune allusion qui permette de l’affirmer. Le titre de l’Orgelbüchlein annonce bien qu’il s’agit, en l’espèce, de chorals modèles, mais il ne dit pas qu’ils sont typiques précisément parce qu’ils sont descriptifs. Et puis, toutes les parodies qu’il fit de ses œuvres, supprimant ainsi les intentions picturales de sa propre musique, ne sont-elles pas là pour attester que l’instinct descriptif, chez lui, était inconscient ? Mais aussi bien, où est chez le génie la limite du conscient et de l’inconscient ? N’est-il point l’un et l’autre à la fois ? De même Bach ; il est inconscient quant à l’importance qu’a dans son œuvre la musique descriptive ; mais dans sa façon de discerner les sujets à traiter et dans le choix des moyens, il est d’une clairvoyance absolue.

La grande erreur de tous les primitifs consiste à vouloir traduire en musique tout ce qui se trouve dans un texte. Bach évite cet écueil. Il se rend bien compte que les péripéties d’un texte doivent être, à la fois très simples et fortement marquées pour qu’on puisse se risquer à les retracer par les sons. Aussi les cas où il use de ce moyen sont-ils très rares.
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Son symbolisme, lui aussi, est visuel comme celui d’un peintre. C’est par là qu’il arrive à exprimer des idées tout à fait abstraites. Dans la cantate No. 77, pour le 13e dimanche après la Trinité, il traite ce verset de l’Évangile : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même » (Luc. 10, 27). C’est la réponse du Christ au scribe qui lui avait demandé quel était le plus grand de tous les commandements. Or, ces commandements, petits et grands, la musique les représente par la mélodie du choral « Dies sind die heilgen zehn Gebot » (Voici les dix commandements), que les basses de l’orgue font entendre en blanches, et les trompettes en noires, tandis que le chœur exécute le verset du Seigneur qui proclame la nouvelle loi d’amour.
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