La Reine celte, tome 1 : Le rêve de l'aigle

Sur la surface luisante du bronze, un milan rouge, l'oiseau qui servait d'emblème aux Coritani, tombait sous les serres vengeresses de la petite chouette aux yeux jaunes qui chassait le jour et qui était le rêve de la mère de Breaca. Tout l'hiver, Eburovic avait rêvé de vengeance. Sa fille en avait fait un bronze.

Comme les champs vert et or de l'autre monde l'appelaient, Macha s'écarta et entra dans la brume. La dernière image que Bran eut de sa mère, ce fut son dos, obstinément tourné, et le roitelet qui volait en cercle au-dessus d'elle en chantant.

Airmid lui souleva les cheveux et l'aïeule écarta les extrémités du torque pour le glisser autour de son cou. Il se posa sur ses clavicules et se fut comme s' il avait toujours été là ; pour la première fois de sa vie elle comprit le changement qui s'opérait en sa mère quand elle le portait. Comme la lame de l'épée que son père façonnait, il faisait chanter son âme et rendait sa tête plus légère. Le porter, c'était marcher auprès des dieux.

La lune s'était cachée depuis longtemps, mais d'un bout à l'autre de l'horizon, les étoiles formaient un dais de lumière qui projetait des ombres douces, assourdies. Là-haut, l'Archer piétinait la cime d'un hêtre. Le garçon dressa le poing pour saluer le guerrier. Ca aussi, il pouvait le faire seul dans le noir, quand personne n'était là pour lui dire qu'il n'était qu'un gamin, encore bien loin de l'âge d'homme et trop jeune pour faire le signe du guerrier.

La plupart portaient des casques de fer, mais pas Breaca. Depuis la première bataille contre Berikos, elle avait découvert que ses cheveux étaient son meilleur étendard. L'été leur avait donné un ton de cuivré filé d'or, et ils flamboyaient même sous un ciel couvert. La vue de cette oriflamme vivante galvanisait ses guerriers sur le champ de bataille. Quant aux Romains, débarqués depuis peu, ils en étaient déjà venus à la craindre.

C"est une juste une démonstration de force. En fait, Rome ne s'intéresse pas à ce qui se trouve au-delà des mers, elle a seulement besoin de nourrir les rêves de grandeur de son peuple...

- Tu ne peux pas. C'est de la folie. Il te tuera.
- Je ne crois pas. L'Ubien s'en chargera. mais ce sera avec honneur.
- [...] Tu ne peux pas prendre ce cheval. Tu n'auras même pas le temps de rejoindre l'Ubien qu'il t'aura déjà tué.
- [...] Et alors ? L'empereur devra déclarer vainqueur un cheval gaulois et aller dire au Sénat que César s'est trompé, que toute la Gaule n'est pas asservie à Rome.

Il y a un degré de rage qu'aucune souffrance ne peut éteindre.

Promets-moi de ne pas mourir pour rien.

L'aïeule, l'ancienne, recourait à l'armoise quand elle avait un besoin urgent de parler avec les dieux.