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Critique de Berthelivre


Texte posthume et interrompu. Lisant les derniers mots, « ... c'est tout, ni vu ni connu », une impression d'injustice et de frustration : Semprun avait encore, sans doute, beaucoup à donner à voir et à faire connaître.

Si la première raison de ces écrits, est une réflexion sur la torture, la mémoire de Semprun dérive, au fil d'une pensée sans contraintes, vers d'autres souvenirs que ceux de la matraque ou de la baignoire. Mais tous ont un rapport, de près ou de loin, avec ce sujet originel.

Le livre rappelle l'explication très détaillée, donnée au jeune Jorge Semprun, de ce qu'il doit attendre des hommes de Bonny et Lafont ou de ceux de la Gestapo, s'il est arrêté. Et la question, des mois plus tard, à Buchenwald, d'un camarade de Résistance : est-ce que ce savoir vous a servi au moment de subir leurs tortures ?
Semprun explique comment lui – sans doute comme beaucoup de ceux qui n'ont pas parlé – a su ne pas céder : « le silence auquel on s'accroche, contre lequel on s'arc-boute en serrant les dents, en essayant de s'évader par l'imagination ou la mémoire de son propre corps, son misérable corps, ce silence est riche de toutes les voix, toutes les vies qu'il protège, auxquelles il permet de continuer à exister. »

Ce constat - magnifique mais dont on se demande forcément, avec, pour ce qui me concerne, beaucoup de pessimiste lucidité sur la probable réponse : « et moi, à sa place ? » - entraîne Semprun vers le souvenir de compagnons, torturés et, pour certains, déportés comme lui : Jean Moulin face à Barbie, Henri Frager fusillé à Buchenwald, Stéphane Hessel qui y est arrivé en août 1944... Et la mémoire de Semprun fait des allées et venues entre le camp de Buchenwald et ses dix années de clandestinité en Espagne, pendant lesquelles il a couru constamment le risque de l'arrestation et de la torture. Il évoque aussi, sans s'y attarder, le désaccord avec le Parti communiste espagnol qui a conduit à son exclusion ; et pour finir la libération de Buchenwald par les déportés eux-mêmes.

Cette pensée qui enchaîne un souvenir à l'autre avec une évidente fluidité, malgré les lieux et les temps différents, est d'une richesse dont il est impossible de se lasser. La fin en arrive de façon abrupte. Bien trop tôt.
Il reste tous les autres livres de Semprun pour reprendre le détail de ce qui n'est qu'évoqué rapidement ici.

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