Pont Neuf, façon de parler. On a fini de le construire en 1607 : vous n’étiez pas nés, moi non plus. Mon arrière-arrière-grand-père non plus, ça vous donne une idée de l’ancienneté.
On devrait l’appeler le pont Vieux, ce serait plus logique. Seulement, imaginez qu’à cette époque, ce très vieux pont est encore tout nouveau. Il sent le neuf. Il
est moderne. Il est presque d’avant-garde.
Depuis cette première visite en compagnie de son grand-père, il est
devenu un habitué. Dès qu’il le peut, il fausse compagnie à toute sa
famille pour aller au théâtre de la rue Vieille-du-Temple. Le jour, il
assiste aux répétitions, et le soir, caché dans la coulisse, il profite du
spectacle.
Un soir, alors qu’on joue une farce, Jean-Baptiste fait la connaissance
du plus flamboyant personnage de la comédie à l’italienne :
Scaramouche.
— Mon petit bonhomme, tu ne serais pas en train de glisser tes doigts
dans les poches des passants pour y voler des pièces de monnaie ?
— Non, monsieur. D’ailleurs, des pièces, j’en ai déjà.
— Tant mieux. Dis-moi, alors : et si tu échangeais une de tes pièces
contre un flacon d’élixir ?
— Pour quoi faire ?
— Mon élixir te guérira de la varicelle.
— Mais je n’ai pas la varicelle.
— Eh bien, il te guérira de la rougeole.
— Je n’ai pas la rougeole.
— Il guérit aussi de la fièvre jaune, la fièvre bleue, la fièvre mauve.
— Je n’ai aucune de ces fièvres.
— Décidément, je n’ai pas de chance. Mon élixir donne aussi la
jeunesse éternelle.
Ici, pas d’acrobates, pas de jongleurs, pas de marchands d’élixirs. On ne se trouve pas en plein air parmi la foule, mais dans le calme d’un vrai théâtre, avec une scène, des coulisses, des rideaux et des lustres.
Les plus grands acteurs se réunissent là pour répéter des oeuvres du répertoire. Ils se retrouvent chaque soir pour les jouer en public. Des comédies, bien sûr, souvent des farces – parfois aussi, des tragédies.