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Critique de LeScribouillard


Il y a quelques mois, je faisais une critique relativement acide d'Il s'appelait Ptirou, sorte de méta-origin story au plus célèbre groom du neuvième art, et qui ne m'avait semblé guère plus qu'un pâle ersatz de Titanic. C'était simple : pour moi, Dupuis essayait une fois de plus se faire du social sans vraiment assumer, et de titiller la nostalgie de son public ayant atteint le quatrième âge. En découlait une histoire mièvre et trop impersonnelle, car comme disait l'écrivain : « Les bons sentiments ne font pas de la littérature ».
Mais comme toutes les belles histoires ont un retournement de situation, le potentiel dramatique que j'avais quand même flairé n'a pas été jeté dans les orties : Il s'appelait Ptirou n'est désormais plus un one-shot de la série Un Spirou par…, mais appartient désormais à une toute nouvelle saga, Mademoiselle J., prévue comme une trilogie à l'heure où je vous écris ces lignes. Nous retrouvons donc Mlle Juliette (et non pas la célèbre compagne de Gaston Lagaffe, ça, ce sera encore un autre spin-off) qui, marquée par sa rencontre avec Ptirou, décide de mener sa vie comme elle l'entend plutôt que de la passer à faire bonne figure dans l'aristocratie. Elle va donc se prendre-z'en main (comme dirait Pascal Légitimus) en devenant journaliste malgré les critiques incessantes de la gent masculine. Et il y en aurait, des reportages à faire, à présent que le nazisme est au pouvoir…
La mère symbolique de Spirou va-t-elle obtenir cette fois l'histoire qu'elle mérite ? On peut noter d'ores et déjà que les thématiques sont bien mieux abordées. À présent, plus moyen d'esquiver la question de l'ascension d'Hitler et sa complicité avec les grandes fortunes d'Europe. Juliette va donc devoir batailler avec sa propre famille pour la convaincre de ne pas faire alliance avec le nouveau gouvernement allemand, ce qui donne de l'épaisseur à son père jusque-là campé en patriarche bienveillant. de même, elle gagne en caractère et en ténacité, ce qui permet aux deux auteurs de critiquer ouvertement le machisme qui régnait à l'époque, aussi bien à droite qu'à gauche. Alors certes, c'est du féminisme blanc, bourgeois, dans les rues bien chics des parigots ; mais on peut l'excuser en raison de l'époque où se passe l'histoire. Si Simone de Beauvoir, toute de cuir et de fourrure vêtue, n'avait pas botté quelques roubignoles dans ses quartiers huppés, qui sait si de nos jours on aurait entendu parler de penseuses plus subversives comme Françoise Vergès ou Rokhaya Diallo ?
Tout de même, tout ceci reste très gentillet, entre les cigarettes qu'on fume pour faire « femme libre » et l'amie juive avec qui on imagine brièvement une romance avant de nous rappeler que M. Dupuis tient à produire des albums rentables. Vient ensuite le moment #NotAllMen avec un homme venant sauver les demoiselles en détresse face à un de ses homologues en mode « Eh, mâmoizelle, t'es charmante ». Sans compter les inévitables moments au charme suranné, comprendre : le déballage sans fin d'objets vintages commentés par des dialogues ayant peu de mordant. Il y a un tel fétichisme pour l'époque que j'étais presque à m'imaginer une double page où les personnages diraient : « Oh là là, ils sont pas bien les nazis » tout en regardant un défilé Hugo Boss. J'étais à ça de refermer le bouquin.
Et puis arrive le dernier quart du livre… Et là, oubliez tout ce que je vous ai dit au paragraphe précédent, quasiment tous les éléments que j'y ai décrits trouvent une justification. Par un enchaînement de péripéties enfin un peu Spirou-esque, le récit s'emballe et change assez radicalement de ton. Les femmes sont bien décidées à sauver le plus de monde possible du nazisme, et elles n'auront besoin d'être secourues par personne, merci bien. Il y a de la bagarre, des plans tordus, des coups de théâtre, bref : de la bonne vieille littérature populaire.
Du coup, je m'interroge sur pourquoi la série ne me plaît pas : est-ce que l'ambiance globale est vraiment médiocre, ou est-ce que je ne suis juste pas le public-cible ? Est-ce qu'on pourrait imaginer qu'il s'agit d'une « BD vieillesse », en symétrie aux BD jeunesse, qui excuserait les excès de politesse et de nostalgie ? Ou est-ce qu'il faut juste y voir une volonté commerciale de tabler sur les doux rêves du bon vieux temps ? Et au fond, l'un empêche-t-il l'autre ?
Quoi qu'il en soit, on ne peut que féliciter Verron et Y. Sente d'avoir fait des progrès depuis leur premier album, ce qui annonce de bonnes augures pour le tome 3, Jusqu'au bout du monde. Et il est très probable que je le lise : j'aimerais me faire la totalité du Spirouverse, car après tout, c'est pour ma culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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