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Critique de Renatan


« En Patagonie, on dit que faire demi-tour et revenir en arrière porte malheur. Pour rester fidèle aux coutumes locales, nous avons poursuivi notre chemin car le destin est toujours devant, et on ne doit avoir dans son dos que la guitare et les souvenirs. »

Attendez, j'vous raconte…

J'arrive à peine d'un voyage enchanteur au pays de Sepúlveda pour vous donner les Dernières nouvelles du Sud, le Sud du bout du monde. Mon sac-à-dos est chargé de souvenirs, pas de ceux qui s'abîment et se perdent, mais des souvenirs comme des odeurs qui s'impriment à jamais dans les mémoires du coeur. Mes compagnons de route, Luis Sepúlveda et Daniel Mordzinski - photographe franco-argentin - avaient envie de nous raconter la richesse lumineuse dont sont imprégnés les gens qui vivent dans cet endroit que l'on dit l'un des plus purs de la planète : la Patagonie. Et moi, je ne demandais pas mieux que de les suivre…

À bord d'une vieille bagnole, notre voyage débutait à San Carlos de Bariloche, où nous descendions vers le Cap Horn, à l'Ouest argentin de la Terre de Feu, pour revenir par la Patagonie chilienne jusqu'à l'île de Chiloé, quatre mille cinq cents kilomètres plus loin. La quila venait de fleurir, une variété de bambou andin. Pas un seul nuage dans le ciel, d'un bleu immaculé. Nous avons traversé la steppe patagonienne, affrontant de face les vents violents de ces grands espaces indomptables. Ils nous ont rappelé les beautés sauvages d'une terre qui côtoie de près les eaux glaciales de l'Antarctique et les masses d'air froides qui battent de plein fouet sur la Cordillère des Andes.

« La steppe patagone invite les humains au silence car la voix puissante du vent raconte toujours d'où il vient et, chargé d'odeurs, dit tout ce qu'il a vu. »

Comme seule boussole, nous avions une envie furieuse de nous abreuver du parfum des fleurs sauvages, des saveurs des ravioles con tuco et de l'agneau rôti sur la broche, que mes amis voyageurs affirmaient dur comme fer être le meilleur au monde. le vin chilien coulait dans les verres au son des guitares et des accordéons, avant de finir la soirée devant un bon maté que nos hôtes au visage tanné par le vent nous servaient avec fierté.

De toutes ces rencontres que nous ayons faites, si je devais n'en revivre qu'une seule, j'irais revoir La dame aux miracles, cette vieille femme de quatre-vingt-quinze ans avec ses beaux sillons de rides qui témoignent de son histoire. Sa petite maison de campagne est entourée d'un jardin qui abonde de fruits et de légumes. Les herbes miraculeuses qui foisonnent de toutes parts ont ce don d'éveiller la fertilité. Mais je voudrais surtout, au coin du feu, qu'elle me reparle des souvenirs de l'homme sur la photo sépia. Je saurais alors que le plus beau des voyages est celui qui nous offre le cadeau d'une fenêtre ouverte sur le coeur des gens…

« Un jour mourait en Patagonie mais, à l'aube suivante, une vieille dame de quatre-vingt-quinze ans, qui avait fêté son anniversaire avec deux hommes des grands chemins, garderait la merveilleuse habitude de vivre. »

Je pourrais aussi vous parler de l'homme-luthier, El Tano, avec lui nous avons cherché dans chaque recoin de la steppe des bois rares pour la confection de ses violons. Ou encore des Gauchos de Patagonie, ces cavaliers qui franchissent la Pampa au galop, hommes élégants avec un foulard rouge autour du cou. Ils sont maîtres du lasso avec leurs gestes lents et harmonieux…

Ce récit de voyage est dédié à Osvaldo Soriano. Des pages émouvantes témoignent de son amitié envers l'écrivain et scénariste argentin.

« Osvaldo Soriano se dirigeait à pas lents vers Callao, il s'est arrêté pour saluer un vendeur de journaux, s'est penché un peu plus loin pour caresser un chat de gouttière puis a continué à s'éloigner, à s'éloigner jusqu'à ce que sa silhouette se perde sous les arbres, jusqu'à ce qu'il ne reste plus de lui qu'un souvenir inoubliable, définitif, têtu, incombustible, installé pour toujours dans le coeur de ma mémoire. »

Le temps me manque pour vous en dire davantage, le Patagonia Express arrive dans quelques minutes. Je monterai à bord et je me fermerai les yeux sur ces souvenirs inoubliables d'images et de rencontres.

Des Grandes Plaines du Montana en passant par un igloo du Québec, je dois le cadeau inestimable de cet aller-simple au Sud du 42ème parallèle à un Bison. Si vous passez un jour à la petite maison de campagne de la Dame aux miracles, vous seriez gentils de la serrer très fort dans vos bras de ma part. Dites-lui qu'il n'y a pas un jour qui passe sans que je pense à elle et à la photo sépia suspendue à son mur.

L'amour est le plus beau des voyages…

Lien : http://www.lamarreedesmots.c..
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