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Critique de berni_29


L'invitation était prometteuse. Voyez un peu... Une quatrième de couverture qui m'entraînait dans le vertige abyssal des chutes Victoria et celui d'un récit polyphonique au réalisme magique... Un bandeau avec les mots dithyrambiques de Salman Rushdie, d'autres mots qui n'hésitaient pas à qualifier ce livre de « digne héritier de Cent ans de solitude »... Whaou !
Stop ! N'en jetez plus...
Aussi quand Babelio m'a proposé cette lecture dans le cadre d'une Masse Critique privilégiée, je n'ai pas hésité une seconde. Mustiks : Une odyssée en Zambie, premier roman de l'autrice zambienne Namwali Serpell m'attendait, me tendait les bras.
Un roman-fleuve dans les méandres du Zambèze...
C'est donc le coeur tambourinant comme sur des tamtams que j'ai poussé ma barque sur les eaux encore impassibles du fleuve Zambèze, à l'endroit précis où ce récit prend sa source. Nous sommes à l'aube du XXème siècle et nous faisons connaissance avec Percy M. Clark, personnage ayant réellement existé, photographe britannique de son état qui s'installe avec quelques colons au bord des chutes Victoria. C'est de là que tout partira, les fondations de ce pays qui allait plus tard prendre le nom de Zambie, mais aussi celles de ce récit ample, construit sur quatre étages, quatre générations où s'entremêlent les voix de trois familles.
Au début tout s'est bien passé, mon émotion de lecteur a été au rendez-vous. Je suis entré sous le charme envoûtant de cette polyphonie de voix féminines, les Grands-mères, portées par une écriture flamboyante et inventive. Trois grands-mères totalement atypiques nous entraînent sur les chemins de leurs destins insolites. Sibilla, l'Italienne, marquée par cette terrible maladie d'hirsutisme dont le pelage qui n'en finit pas de pousser confère brusquement au récit une dimension onirique voire presque fantastique et fait d'elle une créature fabuleuse. Agnes, l'Anglaise, championne de tennis qui va devenir aveugle sans pour autant renoncer à son sport favori. Matha l'Africaine, très douée pour l'écriture à une époque où les jeunes filles de ce pays n'avaient pas encore le droit de fréquenter les bancs de l'école.
Ces femmes dont nous faisons connaissance sous le régime colonial de la Rhodésie du Nord, vont être témoins de l'émancipation de cette terre africaine qui donnera naissance à la Zambie.
D'autres voix de femmes vont se succéder sur les générations d'après... J'ai aimé ces destins féminins à l'aune d'une nation qui prend forme, se transforme, j'ai aimé ces femmes bousculées par des hommes sans foi ni loi, des femmes qui ne cèdent rien, se relèvent. Leurs voix ont du mal à se faire entendre malgré tout, étouffées par le cynisme des hommes alcooliques et infidèles qu'elles côtoient. Ces derniers ont loin d'avoir la part belle dans le roman...
Voix féminines, voix métissées, voix nomades...
Entre chaque chapitre, nous entendons le choeur vrombissant des moustiques comme un chant universel et cynique prenant de la hauteur face aux malheurs d'une humanité cupide, inégalitaire, raciste... Volant et piquant d'une peau à l'autre quelle que soit sa couleur ou son milieu social...
J'ai aimé rencontrer aux premières pages de ce roman historique le commencement d'une fresque politique et humaniste qui se voulait ambitieuse, se construisant sur l'édifice des existences de ces personnages. Je pensais que leurs histoires allaient se couturer progressivement dans l'entrelacement et l'écho joyeux et douloureux de leurs destins. Il n'en fut rien, du moins je ne l'ai pas vu ainsi...
Les générations se succèdent, l'empathie que suscitaient jusqu'alors les personnages s'effiloche, faisant place à ma lassitude, pour ne pas dire ma déception.
C'est à croire que les hommes entrés dans le récit avec leur tares, misogynes, fats et menteurs, ont tout gâché...
Dommage que l'autrice n'ait pas eu envie de continuer à porter son récit dans le souffle magique qui avait accompagné la rencontre du personnage de Sibilla...
Vint la génération des Enfants.
Le drame du Sida qui traversa l'Afrique de cette période aurait pu alors transcender le texte d'une beauté bouleversante et tragique, lui offrir le souffle d'une fresque faisant dialoguer l'intime avec l'universel. Mais ce ne furent que conjectures et digressions scientifiques qui ont fini par me perdre.
Je ne parle pas des derniers chapitres où le roman prend brusquement un virage à 180°pour décoller vers un récit de science-fiction, où les moustiques font place à des puces... où une lassitude sidérale a eu raison des derniers vestiges de mon attention... J'ai bien tenté alors de saisir parmi ces pages devenant de plus en plus hermétiques un drone pour me téléporter au plus vite vers le mot FIN...
Dans cette odyssée en Zambie, j'ai fini par me retrouver tel un zombie, égaré entre les vivants et les morts, cherchant désespérément en fin de livre le glossaire des mots de la langue bantoue cités tout au long de l'histoire et que j'aurais voulu comprendre...
Cette déception est à la hauteur d'une petite tristesse, un rendez-vous manqué, celui du lecteur enthousiaste que j'étais à l'abord de ce livre, qui a entrevu dans cette très belle écriture et ruisselante de lumière que possède indéniablement Namwali Serpell le reflet d'une magnifique histoire polyphonique où les voix me sont devenues peu à peu cacophoniques.
Ce roman m'aura au moins donné envie de relire au plus vite Cent ans de solitude...
Je remercie chaleureusement Babelio et les Éditions du Seuil pour l'envoi de ce livre.
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