Projet Melius

Mais il eut beau se raisonner, se raccrocher à la logique et au bon sens, Montana n’arrivait pas à oublier l’image du blessé, criblé de balles mais quasiment indemne. N’importe quel autre être humain aurait péri dix fois de telles lésions. Or, malgré son état effroyable, l’homme avait été capable de nager. Et pas dans une piscine… Dans une mer agitée par les allers et venues de navettes de croisière et de bateaux militaires.
D’où venait-il ? D’un bateau, justement, ou de la terre ? La prison la plus proche était à quelques dizaines de kilomètres à l’intérieur des terres. Ce n’était donc probablement pas une évasion.

Il referma ses doigts plusieurs fois, de plus en plus fort, sans succès. Le tremblement continuait de plus belle. Malgré les flots d’adrénaline et d’autres hormones de stress qui gorgeaient son corps et inondaient ses vaisseaux sanguins, il savait que la cause du tremblement était ailleurs.
Il avait peur...
Peur de ce qu’il s’apprêtait à faire, peur de ce qu’on pourrait lui faire si on l’attrapait, peur pour sa famille surtout. Une sale trouille qu’il tâchait de remiser dans les limbes de son esprit pour qu’elle ne le gêne pas pour sa mission. Il allait avoir besoin de tout son sang-froid et de toutes ses compétences sur ce coup-là. Utiliser enfin ce qu’on lui avait fait subir vers un but dont il n’aurait pas honte. S’il ne pouvait effacer « le reste », les atrocités qu’il avait commises sur commande, si un retour en arrière était désormais impossible, au moins avait-il l’occasion d’empêcher que ça ne se reproduise.
Il savait qu’il n’avait aucune chance d’en réchapper indemne. Dans le meilleur des cas, il serait salement amoché. Dans le pire, il ne serait plus. Mais de toute façon, sa vie d’humain était déjà terminée depuis longtemps. Il n’en avait plus le corps ni l’esprit. Il n’était plus qu’une foutue bête de foire. Non, même pas une bête, se corrigea-t-il en enfilant ses palmes, car aucune bête ne serait capable d’une telle sauvagerie gratuite...

Tandis qu’il se rapprochait de son fauteuil, il ne prêta pas attention à la porte du bureau qui se refermait doucement. Ni à l’ombre qui glissait vers lui en silence. Lorsqu’il comprit qu’il n’était pas seul, il était trop tard.
Le câble autour de son cou fut le premier contact. Immédiatement suivi par celui des coudes de son agresseur sur l’arrière de ses épaules. L’homme était d’une puissance inouïe. Son emprise sur Montana était telle qu’aucun mouvement n’était permis au chirurgien.
Pendant un temps infini, qui ne dura sans doute pas plus d’une fraction de seconde, Montana n’eut aucune réaction. Ni mentale ni physique. Il allait mourir, c’était tout. Son corps ne lui appartenait déjà plus. Il ne sentait que le froid de l’acier sur son cou. La pression était tellement forte qu’il se demanda si l’on cherchait à l’étrangler ou à le décapiter. Sa mort n’aurait aucun sens pour lui. Il ne saurait jamais pourquoi, ni par qui. Une mort stupide, comme toutes les autres.
Peut-être son âme trouverait-elle enfin la paix… songea-t-il en faisant ses adieux à la vie. Tu vas pouvoir retrouver Elora…