Un chapeau léopard

Ce roman très court de 130 pages m'a beaucoup impressionné. Anne Serre a une façon tout à fait originale de traiter de la maladie mentale. Elle le fait en racontant l'histoire de Fanny, une jeune femme qui s'est suicidée à l'âge de 43 ans après 20 ans de maladie. Mais le lecteur ne trouvera ni début ni milieu ni fin dans l'histoire de la vie de cette femme. Anne Serre procède par tableaux successifs, quelque peu décousus qui ne permettent pas de reconstituer la vie de Fanny de manière linéaire, telle qu'on l'attendrait dans un récit traditionnel. Elle introduit surtout le personnage du Narrateur, qui sert de contrepoint au personnage de Fanny. le Narrateur est l'ami de toujours de la jeune femme ; il est à ses côtés la plupart du temps. le Narrateur représente l'écrivain et la littérature. le roman est donc une construction très subtile qui raconte la folie par le portrait de Fanny et quelques fragments d'éléments biographiques, par sa relation avec le Narrateur, par le regard que porte le Narrateur sur la situation de son ami Fanny. Avec la présence du personnage du Narrateur, le roman est aussi une sorte d'interrogation sur ce qu'est la littérature et sur sa capacité à restituer la réalité, une réalité qui dans le cas Fanny se dédouble totalement entre son aspect objectif et son aspect subjectif. La subtilité et la finesse du roman sont d'autant plus impressionnantes que la langue d'Anne Serre est d'une grande simplicité. C'est une magistrale démonstration sur la façon dont on peut construire quelque chose de complexe avec du très simple.