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Critique de DODONONO


« Mes commentaires personnels sur ce livre et sur cette enquête »

Si je ne me souviens pas avec exactitude ce que je faisais le 14 Octobre 1984, je peux dire en revanche, que ce jour- là, j'apprenais comme la France entière, la disparition d'un petit enfant de 4 ans à Lépange sur Vologne dans les Vosges, puis, très rapidement sa découverte pieds et poings liés dans la rivière, un petit bonnet de laine enfoncé sur les yeux.
Cette mort atroce, brutale, incompréhensible pour tout à chacun a été le début de ce que l'on appelle aujourd'hui encore l'Affaire Grégory.
Si cet assassinat hors normes a ému tous les Français et bien au-delà, il a aussi déclenché un incroyable déferlement médiatico-judiciaire, qui s'est transformé en un véritable et total fiasco, car plus de trente années plus tard, on ne connait toujours pas avec certitude le nom de l'assassin du petit Gregory Villemin.
le Colonel Sesmat, nous livre sa vérité, celle d'un gendarme qui s'est retrouvé au coeur de cette tumultueuse enquête, qui l'a mené très vite au sein d'une famille de la « France profonde ». Car dès le début, la mort du petit Grégory apparaît comme étant le fruit d'une haine farouche à l'encontre du père de l'enfant, Jean-Marie Villemin. Une haine qui s'exprimait depuis des années par une voix rauque, celle d'un corbeau qui harcelait certains membres de la famille, surtout les grands parents, par de nombreux coups de fil, et qui n'hésitait pas non plus à les inonder de lettres anonymes.
La dernière de ces lettres, postée le jour de la mort du petit garçon, revendiquera très clairement l'assassinat en des termes vengeurs et injurieux qui font froid dans le dos.
Très vite, les gendarmes découvrent que le corbeau (peut-être les corbeaux !) est très bien renseigné des faits et gestes de la famille Villemin et consorts et qu'il ne peut donc s'agir d'une personne étrangère à ce cercle.
Qui pouvait vouer à ce père une jalousie et une haine aussi terrible pour le conduire à assassiner son enfant ?
le Colonel Sesmat nous entraine au coeur de cette enquête, qui sous la responsabilité d'un petit juge d'instruction totalement irresponsable est rapidement tombée dans un tourbillon médiatique sans fin ou les journalistes les plus sérieux ont failli perdre la boule. Quant aux autres que je qualifierais de charognards, ils ont tirés des ficelles de plus en plus grosses jusqu'à trouver une coupable idéale, à la hauteur de leurs ambitions, celles de faire vendre du scandale, de l'odieux, de l'impensable et surtout, surtout, un maximum de leurs torchons.
Peu de temps après l'assassinat, un premier suspect, Bernard Laroche, avait déjà été appréhendé par les gendarmes. Les experts en écritures avaient alors trouvé dans ses dictées de fortes ressemblances avec celle du corbeau, et aussi une trace de foulage avec les initiales BL, imprimée sur une des lettres. Mais d'autres constats sont venus appuyer les convictions des gendarmes. Un alibi pas franchement établi pour l'heure présumée du crime, et sa propre belle- soeur qui lors d'une garde à vue leur livre en détail un scénario qu'elle n'a visiblement pas pu inventer.
Oui, mais, l'intime conviction des gendarmes qui ont enquêté est très vite mis à mal par le juge Jean Michel Lambert lui-même, qui n'hésite pas à révéler au grand public des secrets de l'instruction via des conférences de presse. Malheureusement qui ne connait pas la suite. Pressée par sa famille, Murielle Bolle, la belle- soeur revient sur sa déposition. Bernard Laroche est relâché, puis tué par son cousin, Jean-Marie Villemin, père de la petite victime qui veut venger son fils. Celui que les gendarmes soupçonnaient fortement est mort, toutes actions en justice ce sont donc éteintes avec lui, la vérité est peut-être aussi morte ce jour- là.
Mais les médias ne lâchent pas l'affaire Grégory pour autant et certains journalistes soufflent désormais sur les braises d'une nouvelle culpabilité, celle de la mère de Grégory, Christine Villemin. le Colonel Sesmat l'affirme, un infanticide, ça fait vendre. Et ils vont vendre, mais pas seulement. Je reconnais qu'à l'époque, j'ai certainement été, aussi, une victime de leur manipulation. Tous était calculé et dirigé contre cette pauvre femme ; des photos ou elle souriait et apparaissait comme indifférente à la mort de son fils, une nouvelle grossesse tant et tant reprochée, ses collègues qui affirmaient l'avoir vu poster la fameuse lettre de revendication, et de nouveaux experts en graphologie qui la désignent comme étant « le corbeau »
Les gendarmes ayant été destitué de l'enquête par le juge, le SRPJ de Nancy largement aidé par un certain journaliste (Jean-Michel Bezinna de RTL), conduit Christine Villemin jusqu'à l'inculpation. le déchainement est en marche, la vindicte populaire s'abat sur cette mère. Partout on entend :
- C'est elle, c'est sûr, vous avez vu sa froideur, est-ce que l'on fait un autre gamin dans ces circonstances, mais vous avez vu elle rit sur les photos, pourquoi a- t-elle laissé son gosse jouer seul dehors ? Pourquoi ses volets étaient fermés ? etc….etc…etc…Bravo les journaleux, la première manche est gagnée, vous avez vendu et vendu votre sale presse et cerise sur le gâteau, « la Villemin » est en prison. le juge Lambert exulte, il est enfin célèbre.
Après la mise en détention de Jean-Marie Villemin pour l'assassinat de son cousin, Christine se trouve incarcérée à son tour. Mais, ni la vox populi de l'époque, ni la pression médiatique, ni le petit juge, ni les flics ne feront craquée cette mère soutenue dans l'épreuve par l'amour sans faille de son mari.
En mars 1987, l'instruction de cet épineux dossier est renvoyée devant la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon. le juge Simon, président de cette chambre reprend personnellement cette affaire depuis le début. Il mène une enquête particulièrement minutieuse. Il réinterroge tous les protagonistes, reprend une à une toutes les expertises et ne se contente pas de faire innocenter Christine Villemin mais veut découvrir la vérité. Il obtient gain de cause pour la maman de Grégory, mais ses soupçons quant à la culpabilité de Bernard Laroche, resterons sans suite. Car ce juge intègre qui avait réussi à garder secrète toute son instruction se fera piéger à son tour par un journaliste du « nouveau détective » lors d'un rendez- vous informel, ou il sera enregistré à son insu. La presse continue à faire obstruction à la vérité, contrainte au silence pendant un long moment par ce juge discret, elle se déchaine à nouveau.
L'avocat de la famille Laroche s'engouffre dans la brèche et demande des dommages et intérêts, incroyable mais vrai !
le juge Simon victime d'un infarctus sera remplacé par un troisième juge Jean-Paul Martin qui poursuit, fort de son expérience et avec sérieux l'instruction du dossier.
le 3 février 1993 un non-lieu sera prononcé en faveur de Christine Villemin. Elle était libre depuis le 16 juillet 1985, Jean-Marie quant à lui à été libéré en décembre 1987.
le livre du colonel Sesmat à renforcé mon intime conviction. J'ai découvert dans cette lecture, l'affaire Grégory, au travers du récit d'un homme honnête qui sait aussi reconnaître quelques erreurs dans le déroulement de l'enquête des gendarmes, et qui parle également du travail non suffisamment abouti des médecins légistes en charge de l'autopsie du petit corps.
Chacun porte une part de responsabilité plus ou moins grande dans le fait que cet assassinat demeure aujourd'hui encore, non élucidé. Certains ont eu le courage de reconnaître leurs erreurs, d'autre pas. le juge Lambert, lui, fait partie de cette deuxième catégorie de personnes. Alors qu'il porte une énorme responsabilité dans le capotage de cette enquête, il va jusqu'à parler dans son livre « le petit juge » de son asthénie sexuelle à l'époque….édifiant !!!! Il y a des choses qui se passent de commentaires.
Jean-Marie et Christine Villemin ont quitté les Vosges. Ils ont commencés, ensemble, dans la région parisienne une autre vie, loin de cette famille éclatée, des rumeurs, des tumultes et des curiosités malsaines. Ils n'ont pour autant pas cessés de rechercher la vérité. Les immenses progrès de la police scientifique leur laissaient espérer qu'ils pourraient un jour mettre un nom avec certitude sur l'assassin de leur enfant. Des analyses ADN ont donc été effectuées. D'abord sur les timbres des lettres du corbeau, mais cela n'a rien donné. Puis ce fut le tour des cordelettes ayant servies à entraver l'enfant et enfin ses vêtements. Pas d'avantage de résultats probants. Les scellés sont toujours conservés, mais à l'époque, les recherches en matière d'ADN n'existaient pas, et fort malheureusement, les lettres, enveloppes timbres ont été manipulées par des dizaines de personnes, gendarmes, policiers, experts, rendant pratiquement impossible l'identification d'un ADN particulier. Seul l'arrière du timbre, ayant été en contact avec la salive de l'assassin aurait pu parler, mais celui-ci n'était plus sur l'enveloppe.
Pour Christine et Jean-Marie Villemin, j'espère qu'un jour, de nouveaux progrès scientifiques leurs permettront enfin de savoir la vérité.
En attendant je me pose bien des questions.
- La première concerne les enregistrements de la voix du corbeau. Certes, cette voix est emprisonnée à jamais dans des cassettes audio de très mauvaise qualité réalisées à partir des appels téléphoniques qui harcelaient une partie de la famille à l'époque. Cette voix, je l'ai écoutée et réécoutée, certes la qualité du son est très médiocre. Mais, les laboratoires de police scientifique possèdent aujourd'hui des appareils susceptibles d'analyser les voix et de faire ressortir des courbes qui déterminent des spectres bien particuliers, même en cas de voix déguisées ce qui était le cas. Alors pourquoi ne pas y croire. Cette voix, elle fait froid dans le dos, surtout lorsque l'on connait la suite dramatique.
- Ma deuxième question porte encore sur cette voix qui à maintes reprise à été entendues par plusieurs personnes de la famille. Même en étant déguisée, comment imaginée que nul dans cette famille ne l'ai ou ne les ai reconnues. Car d'aucun s'accorde à dire qu'il y avait deux voix différentes et aussi deux écritures, l'une en majuscule bâton et l'autre en lettres cursives. Il y a-t-il eu au début deux corbeaux, et peut-être un homme et une femme ?
Comment imaginer que dans cette famille, dont certains se réunissaient chaque dimanche autour d'un repas chez les grands-parents Villemin, personne ne sache qui est ce corbeau, donc qui est cet assassin ? Dans ses lettres, ce corbeau était pourtant particulièrement bien renseigné sur les faits et gestes de chacun, sur leur vie, il ne pouvait donc s'agir que de quelqu'un qui gravitait autour de la sphère familiale Villemin, et de surcroit bien renseigné par un proche. Un être qui nourrissait une jalousie incroyable à l'encontre de Jean-Marie Villemin et de sa réussite professionnelle et familiale. Jalousie qui s'est transformée en une haine monstrueuse qui l'a conduit à jeter un enfant de 4 ans dans la Vologne, par simple vengeance.
Aujourd'hui encore, et plus que jamais après avoir lu le livre du colonel Sesmat, je suis intimement persuadée que des personnes connaissent la vérité et se taisent depuis toutes ses années. Alors peut-être qu'un jour, à l'heure du jugement dernier, ces personnes souhaiteront soulager leurs consciences, mais pas seulement devant dieu, mais devant la justice des hommes, et qu'elles diront enfin la vérité.
Car plus de trente ans après le 14 octobre 1984 seul le petit ange Grégory qui est partie au ciel bien trop tôt à vu son ravisseur….je n'ai pas dit son assassin, car celui-ci par un geste de lâcheté suprême lui a enfoncé son bonnet sur les yeux, lui faisant certainement croire à un jeux avant de le jeter dans la Vologne comme un vulgaire sac poubelle.

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