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Critique de Colchik


Lire un roman d'Elif Shafak, c'est ouvrir grand une fenêtre sur le monde et entendre le joyeux tohu-bohu que ferait un concert de voix animées, se chamaillant, s'interpellant les unes les autres, se houspillant avant de s'attendrir devant une plaisanterie. En effet, il n'est pas dans les habitudes de l'auteure de proposer des vignettes lénifiantes sur la vie à Istanbul. Non, ses romans sont une manière de toiser la ville et de lui dire : alors, aujourd'hui, qu'ont-ils encore inventé, ces fous d'Istanbouliotes ? Bonbon Palace ne fait pas exception à cette règle.
Nous voici devant ce Bonbon Palace, immeuble construit en 1966 par un Russe blanc ayant fui la révolution d'Octobre. de retour à Istanbul après un calamiteux exil dans les années 20, le général Antipov avait fait édifier ce bâtiment pour son épouse Agripina Fiodorovna qui avait sombré dans la mélancolie après les épreuves vécues lors de son premier séjour. Aujourd'hui, outre le salon de coiffure des jumeaux Djemal et Djelal installé au rez-de-chaussée, l'immeuble abrite un échantillon de population haut en couleur. Sous les yeux du narrateur, fraîchement divorcé et qui vient d'emménager, se croisent les destinées des occupants fantasques du lieu : Hygiène Tijen qui passe son temps à récurer son appartement de fond en comble, sa voisine Mme Teyze, une vieille dame arménienne très discrète et jalouse de son intimité, le grand-père Hadji-Hadji qui garde ses petits-enfants, la jeune maîtresse d'un riche commerçant, ou encore Nadya, l'épouse russe délaissée d'un doubleur de voix…
Elif Shafak a le talent de restituer dans une suite d'instantanés la vie souvent perturbée des habitants du Bonbon Palace. Mais la fable n'est jamais loin, comme les djinns que se plaisent à débusquer les superstitieux. D'où vient la puanteur qui envahit les lieux et attire fourmis et cafards ? Pour tous, elle vient de l'extérieur, des dépôts d'ordures de voisins peu scrupuleux. L'ordure n'est-elle pas toujours celle des autres ? La sagace petite Su, marquée du sceau de l'infamie pour sa mère obsédée par la propreté – l'enfant a eu des poux – a elle identifié l'origine des mauvaises odeurs qui ont envahi l'immeuble. Mais, il ne faut jamais faire confiance aux adultes quand il s'agit de garder un secret.
Dans une écriture chamarrée, tourbillonnante, tonique, Elif Shafak nous entraîne dans une histoire où la magie le dispute à la poésie, où le mordant balaie les convenances et où les blessures de l'existence ont assez de dents pour paraître des sourires.





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