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Critique de BazaR


Troisième et dernière pièce de Shakespeare que son traducteur François-Victor Hugo — fils de Victor — a classée dans le groupe des « comédies de l'amour », Peines d'Amour Perdues s'est avérée un brin décevante.

La scène est en Navarre, alors que le roi et ses trois condisciples ont décidé de s'isoler du monde, de la chaire et surtout des femmes, afin de ne se consacrer qu'à l'étude. Voilà-ti pas que débarquent la princesse de France et trois dames de compagnie en mission diplomatique. A la vue des belles le sang des verts galants ne fait qu'un tour en forme de coeur. Tension déchirante entre les voeux et les émotions, mais on devine vite qui va gagner. La Cour va donc faire sa cour. Mais ces dames, qui se sont vues refuser le gîte dans un premier temps (les voeux) vont se régaler à faire tourner cette cour en bourrique de basse-cour.

Voilà pour le fil rouge. Ce qui m'a gêné, c'est que le fil est paumé dans une pelote emberlificotée comme si un chat avait joué avec. Shakespeare se régale d'introduire des sous intrigues et des personnages qui ne se raccrochent à l'intrigue principale que par l'ombre d'un lacet : le maître d'école et le curé qui déclament en latin, le seigneur espagnol amoureux de la paysanne et moqué par son page, une pièce de théâtre jouée par les humbles devant les nobles qui les humilient (assez proche du Songe d'une Nuit d'Été dans l'esprit). Faut s'accrocher à la pente savonneuse.

Bon, tout ça c'est fait pour faire rire et Shakespeare sacrifie la structure à l'humour. Cet humour d'ailleurs est parfois assez génial, comme quand on joue avec le sens des mots qu'on prend ou non au pied de la lettre, du genre :
[TROGNE] Pardon ! quelle est ici la dame à la tête.
[LA PRINCESSE] Pour la reconnaître, l'ami, tu n'as qu'à voir celles qui n'ont pas de tête.
Parfois cela me passe à deux miles au-dessus de la tête (car j'en ai une, moi). J'ai repéré un petit passage grivois ([BOYET] Si mon instrument est en dehors, en revanche le vôtre est en dedans – les instruments étant bien sûr leurs langues chargées de placer quelques saillies intellectuelles bien senties).

Mais si j'ai fait la fine bouche, j'ai apprécié d'apprendre l'origine de la pièce dans… la biographie sur Henri IV de Jean-Pierre Babelon. Apparemment Shakespeare s'est inspirée de la Cour de Nérac, une période située autour de 1580, alors qu'Henri de Navarre est revenu sur ses terres et qu'il accueille son épouse Marguerite de Valois chassée de Paris par son roi de frère Henri III. Époque frivole, climat de galanterie et tenues féminines attirantes ont laissé leur place dans l'Histoire au point d'inspirer le génial auteur anglais (et de dégoûter l'opinion protestante plutôt portée à la rigueur).

En résumé, si je ne trouve pas la lecture de cette pièce indispensable, elle n'est pas non plus franchement désagréable. Un bon rire vaut un bon steak, et tant pis pour les végétariens.
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