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Critique de AMR_La_Pirate


Tout le monde connaît le mythe de Frankenstein, surtout à travers le cinéma. Pour moi, c'est d'abord le souvenir du vieux film en noir et blanc dans lequel Boris Karloff incarnait le monstre créé par la folie d'un scientifique ; déjà, je ressentais une profonde pitié pour la détresse de la créature.
Quel plaisir de se plonger une nouvelle fois dans ce livre ! Personnellement, je l'ai lu assez tardivement, il y a quelques années seulement. Je le redécouvre avec plaisir en livre audio, l'occasion de remettre la main sur d'anciennes notes de lecture.
Aujourd'hui encore, ce livre est toujours difficile à classifier car traversé par plusieurs esthétiques. Personnellement, je le perçois et le reçois comme une oeuvre trans-générique.

Il ne faut pas perdre de vue que ce roman, publié en 1818, est l'oeuvre d'une toute jeune femme, à peine âgée de 19 ans. Son écriture a commencé au cours d'une sorte de jeu entre amis : il s'agissait juste d'imaginer un conte terrifiant... Ce livre est souvent vu d'ailleurs comme relevant de l'horreur mais il faut se méfier, ici, des adaptations cinématographiques qui le cantonnent à cet univers.
Mary Shelley revisite le mythe prométhéen en démontrant comment l'humanité, capable de s'engendrer elle-même, d'être sa propre genèse, viole les lois de la nature par soif de connaissances. Dans la mythologie, Prométhée vole le feu de la forge d'Héphaïstos et l'offre aux humains ; il devient ainsi le symbole d'une idée de démesure et d'excès puisque le feu devient la principale source d'énergie et d'activation à l'origine de toutes les découvertes futures… La notion de divin se délite dans les savoir-faire scientifiques.

Le roman est construit comme un roman épistolaire, mais un peu à sens unique puisque Mary Shelley donne surtout à lire les lettres d'un seul personnage, l'explorateur Robert Walton, qui raconte dans ses lettres à sa soeur son voyage vers le pôle nord et sa rencontre avec Frankenstein. le récit du savant fou est enchâssé dans cette correspondance, retranscrit dans une lettre, et contient lui-même la confession de la créature à son créateur dans un échafaudage de niveaux narratifs gigognes. Les accents lyriques et romantiques donnent à l'ensemble un côté suranné que, personnellement, je trouve assez savoureux.

Dès sa parution, ce roman est considéré comme relevant du genre gothique, noir et philosophique à la fois, ambiance de récits terrifiants et exaltés très à la mode en Angleterre à la fin du XVIIIème siècle…
On peut le voir aussi comme un roman d'anticipation car l'auteure y développe le thème de la découverte scientifique, de l'extrapolation au-delà du raisonnable de découvertes existantes ; il relève aussi de la science-fiction avec la possibilité de création d'un homme nouveau, premier d'une race de montres qui risque de remplacer l'humain tel que nous le connaissons.
Selon moi, c'est surtout un bel exemple de littérature fantastique car même si le récit de la créature est au centre, l'écriture est structurée en chiasmes autour des contrastes et des similitudes entre le monstre et l'humain. J'ai relevé aussi l'importance de la nuit et de la lune, le motif de la poursuite et l'emprise du surnaturel... En effet, les déplacements de la créature ne peuvent pas s'inscrire dans la réalité des moyens de transport du XVIIIème siècle.
Il peut aussi se lire comme un roman d'apprentissage avec la confusion entre le créateur, autodidacte, et sa créature, dotée de parole ; je pense ici au bon sauvage comme chez Rousseau, perverti par la société.
J'y vois encore une satire sociale, un mélodrame familial…
Enfin, une lecture picturale me semble aussi possible dans un rapport à l'art. Victor Frankenstein voulait faire quelque chose de beau, même si c'est complètement raté. On retrouve ici l'attitude arrogante de l'artiste et le danger de jouer à Dieu puisque la créature devient laide quand elle prend vie et est en contact avec la société. Mary Shelley en exaltant le beau naturel des paysages invite peut-être à se contenter de la beauté naturelle...

J'ai redécouvert ce livre en format audio, lu par François Hatt ; ce dernier a su donner une vraie dimension romantique à ce roman en s'appropriant les tonalités lyriques du texte.
Un livre à lire et à relire, à mettre en avant par rapport aux différentes adaptations cinématographiques qui se cantonnent à certains aspects seulement de l'oeuvre originale.
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