Par une brèche de la clôture, l'on voyait les reflets de l'étang ; bien entendu je descendis à mon tour : peut-on passer sans s'arrêter devant une demeure où la lune se mire dans l'eau ?
Heureuse d'être délivrée de la crainte d'avoir un jour à vivre comme tout le monde, elle avait le sentiment que la lumière s'était faite dans son cœur.
[Livre cinquante-troisième - Exercices d'écriture]
La vie humaine n'est certes assurée de durer, mais le moindre restant de vie mérite qu'on le respecte, ne fût-il que d'un jour ou deux.
[Livre cinquante-troisième - Exercices d'écriture]
Que le roman soit achevé ou non somme toute importe peu, non plus qu'il importe de savoir si cette conclusion est un ultime effet de l'art ou si elle n'est, plus simplement, le point final que la mort met à toute œuvre humaine, car le récit que l'on va lire est, en définitive, pareil à ce fleuve sans fin qu'est l'histoire des hommes et dont chacun de nous ne voit et ne vit qu'un moment, ainsi que le dit admirablement Kamo no Chômei dans les premières lignes de ses "Notes de l'ermitage", Hôjoki (vers 1212) :
"Le cours de la rivière qui va jamais ne se tarit, et pourtant ce n'est jamais la même eau. L'écume qui flotte sur les eaux dormantes tantôt se dissipe tantôt se réforme, et il n'est d'exemple que longtemps elle ait duré. Pareillement advient-il des hommes et de demeures qui sont en ce monde".
[Introduction par René Sieffert]
En l’absence de celle dont le printemps faisait la joie, les couleurs des fleurs ont perdu pour moi tout leur charme. Je n’y puis voir désormais qu’une parure pour l’autel des bouddhas […]. Les corètes du jardin de l’aile qu’elle habitait portent des fleurs comme il ne s’en voit nulle part au monde. Des bouquets énormes, en vérité ! Des fleurs qui pourtant n’avaient pu méditer le dessein de se surpasser ! Elles attiraient certes toujours l’attention par leur pétulante splendeur. Mais qu’elles aient fait mine d’ignorer qu’en ce printemps, celle qui les planta n’est plus, pour se parer d’un éclat redoublé, voilà qui est navrant !
[Livre quarante et unième – Illusion]
Admirant les fleurs
j'ai laissé passer le printemps
mais de ce jour d'hui
je m'en vais aller errant
par la forêt des soupirs
[Livre quarante-quatrième - La rivière aux bambous]
Il est bien des exemples [...] de gens, qui, sauf le cas de haines inexpiables, en dépit de toutes les divergences qui les opposaient et pour peu qu'ils fussent l'un et l'autre de bonne foi, ont fini tout naturellement par s'entendre. Ceux, par contre, qui refusant pareil effort, prennent l'habitude de se cuirasser, et, sans anémité, tiennent les autres à distance, sont à coup sûr des gens avec qui l'on ne peut se sentir à l'aise, car ils ne tiennent aucun compte des sentiments d'autrui.
[Livre trente-quatrième - Jeunes herbes 1]
Pour chasser le malheur, il faut faire beaucoup de bruit, alors comment allons-nous faire ?
[Livre quarante et unième - Illusion]
"A l'instant ultime
fumée du bûcher sera
lente à dissiper
et bien plus lente à s'éteindre
la flamme de mon amour" p. 868
"Mes pensers d'amour
sans doute les ignorez-vous
car si l'eau jaillit
impétueuse du roc
sa couleur ne la trahit" p.573