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Critique de Erik35


NE M'OUBLIEZ PAS !

Trois femmes, deux hommes, une infinité de secrets... tel pourrait être un autre sous-titre à cette émouvante pentalogie entamée avec Tsubaki, les rapports compliqués entre une mère et sa fille, les secrets à peine soulevés par un petit fils, les secrets qu'on ne pourra - ne voudra - jamais dire à ceux qui suivent.

Kenji est le personnage "en-dedans" de cette pentalogie, c'est aussi lui qui permet à Yukio, le fils naturel de Mariko (que cet hypocrite mais véritable mauvais homme qu'est son géniteur, M. Horibe, ne voudra jamais reconnaître, par convention sociale). C'est un être qui semble subir plus qu'il ne décide, sauf à l'occasion de ce choix, pleinement assumé et parfaitement à l'encontre des intentions de sa famille, aisée et d'origine nobiliaire, de prendre Mariko pour épouse, et d'adopter cet enfant. C'est pourtant une jeune femme au passé plus que douteux, ainsi qu'un véritable enquête diligentée par ces parents qui veulent le bien de leur fils... malgré lui le démontre ! Fatale décision de ces parents trop envahissants : Kenji va couper tous les ponts avec eux, et pour longtemps. Et faire de lui cet homme sur lequel rien - surtout pas le malheur - ne semble jamais avoir réellement de prise. C'est l'être "Zen" par absolu, du moins tel qu'il est possible de se l'imaginer, du point de vue occidental.

Mais cet homme en retrait, doux, tendre, passionnément amoureux de sa femme et de son corps, qui sait par ailleurs que son infertilité ne lui donnera jamais l'occasion d'être directement père, va apprendre, par le plus grand des hasards, le lourd secret de sa propre origine... Où l'on comprend que ce qu'il vit n'est pas exactement un fait unique... Que l'attention que Sono, une ancienne nurse d'origine coréenne lui a toujours porté, et la tendresse qu'il a toujours éprouvé pour elle en retour n'est sans doute pas exactement le fruit du hasard...

Alors, sans doute, ne faut-il pas [m']oublier - telle est l'invitation du Myosotis en japonais -, ni oublier ceux qui furent présent, plus qu'on ne l'imagine, parce que des liens forts mais interdits par cette chape de plomb sociale, telle qu'elle existe dans cette société japonaise traditionnelle, ont pu furtivement s'exprimer, au-delà des interdits, des impossibles, de la honte, des renoncements...

Dans l'entrelacs des relations ténues mais véridiques qu'Aki Shimazaki tisse entre des personnages n'ayant, souvent, que l'apparence de liens distendus, cet opus est sans doute le plus intimiste, le plus en retenu, ainsi que le peut être ce personnage que l'on pourrait aisément considérer comme secondaire dans la trame fine et complexe de ces cinq petits volumes, bien qu'on ne cesse de le croiser au fil des pages. Et si le secret de l'origine de Kenji Takahashi n'interfère en rien sur les autres membres de cette étrange famille faite d'éclatements, de déchirures involontaires, de non-dits terribles, il porte en lui la marque de tous ces secrets, celui des filiations impossibles qui s'entremêle au poids de l'histoire du Japon moderne, à la lourdeur et l'étouffement édictés par les conventions sociale d'un monde qui se cherche à travers ses guerres, ses moments historiques tour à tour honteux et éprouvants.

Une bien belle leçon de littérature et d'humanité que cette autrice d'origine japonaise vivant au Québec et s'exprimant dans notre langue (avec quelle finesse, quelle délicatesse mais, au fond, quelle assurance !) nous donne à lire et à relire : car ces petites étoiles douce-amères se lisent et se relisent sans lasser, jamais !
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