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Critique de Sofiert



Volna appartient au cycle des Chroniques de Mertvecgorod, initié en 2020, et à l'ambition de Christophe Siebert de créer un monde terrifiant qu'il explore dans chaque volume sur une chronologie qui varie entre 1970 et 2050.
Il déclare sur le site :"J'ai toujours désiré créer un monde qui serve de terrain de jeu à mes fictions, un bac à sable où m'enfermer jusqu'à la fin de mes jours en emportant tout ce qui me passionne ou me fascine et dont je veux parler en littérature : le crime, la corruption, la violence, l'horreur organique, le fantastique, les rapports de domination, la névrose, la paranoïa, les complots, les monstres, la religion, l'occulte, les fantasmes, l'amour, le cul, les délires technologiques et sécuritaires, la chute."

L'action de Volna débute en 2033 et nous plonge directement dans la traversée nocturne d'un" kvartali" dans un pick-up aux vitres teintées. A bord, Anton, Sasha et Adam, trois individus tatoués au profil de tueurs mercenaires. Leur routine est aussi leur satisfaction : ils menacent, frappent, torturent et assassinent.
A Mertvecgorod, megapole pourrie jusqu'à l'os, les oligarques corrompus dirigent des armées de soldats qui font respecter leurs lois alors qu'une partie de la population travaille et vit dans une misère noire.
C'est le cas de Catherina qui doit surveiller, 10h par jour dans une sombre guérite des ouvrières sur des chaînes de tri, tout en étant elle-même surveillée par une caméra et un "milicioner" devant lequel elle est obligée d'uriner, n'ayant pas le droit de quitter son poste.
"Elles ne commettent jamais rien de répréhensible parce que la peur de mourir surclasse leur désir d'améliorer leur existence, et que tout ici fonctionne selon ce principe."
La population est maintenue en esclavage dans un régime de haute-surveillance, affamée en raison d'une pénurie de ressources et privée d'eau, même lorsqu'elle est hautement contaminée.

Un espoir apparaît lorsque Catherina recueille par hasard un petit singe, sorte d'animal androïde, qui transporte une carte SIM et dont la vente au marché noir pourrait rapporter gros. Avec son ami Roman, elle espère pouvoir trouver un revendeur mais il faut pour cela passer les check-point alors qu'ils n'ont pas de laisser-passer. Et pire encore le "kapitan" Sobakov et ses sbires recherchent activement le singe qui contient des informations compromettantes et Vassili Leonidov, ancien héros de guerre, veut rendre les informations publiques pour venger un ami.

Au coeur de ce scénario de course-poursuite, il faut également compter sur Alina, une héroïne ambivalente qui cumule le rôle de dealeuse pour les puissants et les paumés et celui de tagueuse rebelle qui sème ses pochoirs Volna dans toute la ville.
L'auteur a perçu qu'il fallait bien une dose de résistance, même symbolique, pour que Mertvecgorod puisse continuer à mener son existence chaotique.

Cet opus des chroniques reprend parfaitement les codes qui fonctionnent.
L'usage de ces mots inventés, écrits en italique dans un lexique à consonance russe, participe pleinement à cette atmosphère toute particulière et donne une cohérence linguistique à cet espace géographique proche de la Russie.
On retrouve également la description de scènes ultra-violentes et pornographiques, le système pyramidal de la corruption et les signaux d'une ville engloutie par la pollution.
Si le récit est ici plus linéaire, il est aussi dépourvu de cette audace narrative découverte dans le volume Feminicid qui mêlait différents types de textes et que j'avais personnellement appréciée.
La lecture est ici bien plus fluide d'autant que la mise en contexte politique n'est plus nécessaire et que l'auteur s'affranchit de considérations idéologiques parfois complexes pour se concentrer sur le récit d'aventure.
La conception de cet univers, entreprise par Christophe Siebert, nous laisse présager d'autres découvertes percutantes à la mesure de cette déclaration dans " Fabrication d'un écrivain".
" Ecrire consiste en partie à cesser de vivre et devenir témoin. S'exclure du monde, jouir d'une position efficace pour observer comment ça se passe et en rendre compte avec fidélité. Porter le regard sur des zones de la société ou du psychisme que les lecteurs méconnaissent. La littérature qui me plaît est celle qui provoque l'impact le plus mastoc possible dans les boyaux de la tête et du ventre."
Je remercie vivement les éditions Mu de m'avoir offert cette lecture en avant-première.

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