Le soleil se cacha enfin derrière les nuages épais et jaunâtres, qui menaçaient d'éclater en orage. À l'ouest retentirent quelques roulements éloignés, précurseurs de la bourrasque prochaine.
L'air étouffé et moite était tout chargé d'électricité ; les oiseaux se cachaient sous les chaumes ; seules les grues continuaient à voleter tranquillement ; les feuilles pendaient immobiles aux arbres ; de la cour des étables arrivait le mugissement plaintif des vaches, revenant des pâturages. Une certaine angoisse triste étreignait la nature entière.
" Tout est fini ! " pensai-je en moi-même.
" Tout est fini ! " bruissaient les roseaux.
" Tous est fini ! " murmura la vague qui frappait les bords de mon canot.
Les années de l'enfance et de la sujétion scolaire étaient déjà loin de nous; devant nous s'ouvrait l'ère de la jeunesse, telle une steppe immense, parsemée de fleurs et à l'horizon sans fin, - une contrée inconnue et attirante, où nous entrions sous un bon augure : jeunes, forts, sentant à nos épaules comme des ailes d'aigles.
Je m'assis sur le banc, et je pleurai amèrement, comme après la mort d'un être cher. Et, en effet, l'ancienne Hania était morte pour moi ; et il ne restait en mon cœur que le vide et une douleur pareille à celle d'une blessure non cicatrisée.