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Citations sur Hors du temps (33)

Tel que j'étais, je ne devais pas vivre dans les souvenirs mais seulement dans le présent en me donnant un futur pour objectif. Il le fallait pour que je ne sombre pas dans la mélancolie qu'entraîne le souvenir. Il n'est pas du tout bon d'évoquer le passé lorsqu'on est dans une situation semblable ; mieux vaut supporter le présent et s'efforcer de le dominer. Il n'y a qu'une seule certitude ici : je vis et je crée ma sensation de durée, sorte de mouvement que je ne perçois pas et qui pourtant m'entraîne irrésistiblement vers la victoire ou la mort. Mon moi-animal combat ce milieu et essaie tant bien que mal de s'y adapter ; mon moi-pensant essaie de s'y harmoniser jusqu'à la délivrance. En somme ma liberté est toute relative. Je me sens en dehors du Cosmos, je suis en réalité prisonnier d'un espace réduit et hostile et du temps qui s'écoule avec moi à un rythme plus ou moins rapide. En dehors de moi, de ce mouvement immobile que je crée sans cesse, il n'y a qu'une inertie tragique de la matière. Pourtant je sais bien, moi, géologue, que cette matière vit, a vécu et vivra. Je sais bien que là où je suis en ce moment il y a eu des mers où se sont déposés les sédiments qui ont donné naissance aux chaînes des montagnes ; la vie régnait dans ces espaces sous-marins, puis elle s'est éteinte lorsque les continents sont apparus. Je sais aussi que ces montagnes disparaîtront à leur tour pour laisser la place à d'autres océans où la vie renaîtra sous des formes plus évoluées encore.
Il faudra des millions d'années, mais les changements de la nature ne sont pas perceptibles à l'échelle de l'homme, ils sont d'un autre ordre. Nous vivons trop peu de temps pour nous apercevoir même qu'ils existent.
p. 136
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VIE SOUTERRAINE
Et cette nuit ne s'arrêtait jamais, toujours identique à elle-même, toujours aussi noire, toujours aussi silencieuse et éternelle. La nuit souterraine est vraiment différente de la nuit cosmique, l'opacité est absolue. A l'extérieur au contraire on y voit toujours un peu, la nuit ; la lueur des étoiles ou celle de la nuit laisse toujours apercevoir quelque chose, quelques objets. Là où je suis, rien.
Dans ce monde ou tout est néant, une seule chose subsiste, ma pensée : va-t-elle aussi sombrer dans ce néant sans fin ? C'est comme un vertige de la pensée et je la sens prête à chavirer.
p. 117
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VIE SOUTERRAINE
Je me sentais délivré des exigences de notre civilisation effrénée, seule ma vie comptait. Dans un sens j'étais heureux de me trouver enterré. Ma pensée n'était ni tournée vers le passé ni vers l'avenir, seulement vers un présent où je me sentais dominé par les éléments que je savais hostiles. Oui, dans ce milieu tout était contre moi, les rochers d'abord, la glace ensuite, le climat, je subissais l'emprise de ces éléments et pourtant j'essayais toujours de les dominer. Ma lutte était féroce et si j'ai survécu, je le dois à ce combat sans cesse renouvelé jusqu'à ma sortie ; j'avais l'impression d'être immobile et pourtant je me sentais entraîné par le flux ininterrompu du temps. Le temps était la seule chose mouvante dans laquelle je me déplaçais, je lui courais après, j'essayais de le cerner et chaque soir je savais que j'avais échoué. Comme un courant sans fin le temps était le seul être dont je percevais le mouvement. Tous les autres éléments étaient neutres, sans vie. Si quelqu'un avait pu me voir à travers les 130 mètres de rochers qui me séparaient du monde, il aurait aperçu soit une forme qui se déplaçait lentement avec les gestes répétés d'un automate, mais de moins en moins précis, soit une forme allongée, recroquevillée dans un sac de soie. Un autre jour, il m'aurait aperçu assis sur une chaise pliante en train de lire ou d'écrire à la faible lueur d'une lampe électrique.
p. 93
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… On a sans doute exagéré l'action de la solitude, du silence, de l'obscurité, de la tension émotionnelle ; mon moral dans l'ensemble est resté bon.
Cependant, il semble que la perte de la notion du temps, liée au manque de repères, a quelques rapports avec la température centrale du corps. L'organisme, mal protégé et soumis au froid, dans cet univers hostile et immobile s'est mis en état de semi-hibernation, et évidemment, à ce moment-là, le temps paraît plus court, puisque l'organisme ne réagit pas aux stimuli extérieurs.
p. 308
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« Hors du temps » ; Michel Siffre - éditions René Julliard © 1963
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J'étais sans cesse menacé par les chutes de glace ou de rochers ; à plusieurs reprises, j'avais glissé et failli m'écraser au fond du glacier, je savais ce que cela signifiait, une mort lente par le froid ou simplement par ma chute sur des blocs aux arêtes aiguës. Ces risques étaient toujours présents et, malgré mes efforts pour les limiter, je les prenais presque tous les jours. Cette sensation sans cesse renaissante, me faisait toucher du doigt ma condition et j'en retirais un certain sentiment d'humilité en même temps qu'une agressivité provoquée par ma volonté de survivre — car c'était là mon but. En essayant de dépasser certaines limites physiologiques en dehors du temps j'essayais de me donner un sens, de rechercher des raisons d'exister. Cette poursuite à la recherche de moi-même se continuait sans cesse et lorsque j'essayais de l'appréhender elle allait toujours un peu plus loin. C'est ce qui se passait aussi dans mon essai d'appréhension du temps, il fuyait parce que j'étais là mais en fait il n'existait pas. Le temps des horloges était une fiction. Quelle idée de séparer en moments quelque chose d'infini que nous créons nous-mêmes ? Chaque « jour » je comptais mes réveils et mes couchers. C'était ma seule base de référence, mon seul point commun avec les hommes ; à part cela, je vivais étranger, comme un animal.
p. 103 – 04
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Mais la raison fondamentale de ma claustration volontaire, où beaucoup n'ont vu qu'un pari, qu'un exploit, c'est que j'ai voulu essayer de cerner, d'appréhender la chose la moins préhensible, la plus fuyante et tragiquement irréversible puisqu'elle conduit à la mort, le temps, cette notion qui a hanté l'humanité depuis son origine.
C'est pourquoi j'ai associé à la biologie pure, la psycho-physiologie pour annexer des données quantitatives, précises et irréfutables sur le temps humain et son déroulement, qui puissent permettre de préciser si le temps est un produit de la conscience ou bien une réalité en soi, objective, associée à l'espace. D'ailleurs peut-être existe-t-il au maximum trois niveaux de temps pour l'homme : le temps perçu, créé par le cerveau, le temps biologique et enfin le temps objectif, celui des horloges ? Et sait-on s'il n'y a pas un rapport étroit entre le temps physiologique et le temps perçu, tel que le rythme vital soit déterminé en partie ou totale-ment par la durée perçue par l'homme ou vice versa ?
Mais comment aborder ce problème du temps ? La première idée qui m'est venue à l'esprit a été de m'isoler totalement des changements de milieu — facteurs qui ont conditionné l'homme depuis son origine — de façon à mettre en évidence le mécanisme fondamental de notre “horloge”, de notre rythme physiologique et sa fréquence élémentaire.
p. 34
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Il n’est pas du tout bon d’évoquer le passé lorsqu’on est dans une situation semblable;mieux vaut supporter le présent et s’efforcer de le dominer.Il n’y a qu’une seule certitude ici: je vis et je crée ma sensation de durée, sorte de mouvement que je ne perçois pas et qui pourtant m’entraîne irrésistiblement vers la victoire ou la mort.
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Ceylan avait été ma première chance et j’y puisais quelques-uns de mes plus beaux souvenirs.Dans un de mes moments où je me suis senti le plus proche de la mort, je me suis remémoré un certain jour,à Hikkaduwa, ou j’avais plongé à la poursuite d’un banc de tortues avec le Haut-Commissaire du Canada.Rapidement emportés par le courant vers les récifs,nous avions été sauvés de justesse par des indigènes venus nous rechercher en catamaran,mais un peu avant l’ambassadeur m’avait retenu au moment même où je coulais:
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Si ma pensée était en général tournée vers le futur et vers les problèmes posés par mon expérience,il m’est arrivé à plusieurs reprises d’évoquer le passé, et même une fois j’ai essayé de me représenter visuellement le présent en imaginant la vie sur la côte méditerranéenne à cette période de l’année.Je voyais la mer et le ciel bleu,les plages grouillantes d’hommes,de femmes et d’enfants.J’imaginais les scènes qui se déroulaient,peut-être en ce moment même sur la promenade des Anglais,à Nice,
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On ne saurait jamais trop insister sur les relations positives d’un psychisme sur les limites physiologiques assignées à la résistance humaine.Deja le Docteur Alain Bombard l’avait pressenti en étudiant les cas célèbres de naufrages et de deportes.A cet égard sa dramatique traversée de l’Atlantique est bien significative.Sans parler de l’Annapurna ou c’est la volonté des hommes qui a vaincu la montagne plutôt que la technique.
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