Nous sommes toujours et tous un peu responsables du désespoir des autres.
Et elle continue à bavarder en nous faisant une liste méthodique sur le fonctionnement de la maison, en nous parlant d'elle.
Il est impossible de tout retenir. Les filles ne l'écoutent même plus et se tromperont forcément de serviette pour aller à la plage. C'est pour cette raison que je n'aime pas aller chez les autres. Il faut s'encombrer de leurs manies alors que nous sommes déjà débordés par les nôtres. On finit toujours par gêner parce que les gens n'aiment pas être leurs, mais tiennent à vivre comme s'ils l'étaient.
Comme disait sa mère, c'était ça le mariage, les habitudes, qui avec le temps prennent des mauvais plis, comme sur une robe qu'on porte quand même parce que c'est la seule que l'on a.
Un parent qui vous manque, c'est une âme infirme. Même avec le sourire aux lèvres, on avance clopin-clopant.
Je n'aime pas aller chez les autres. Il faut s'encombrer de leurs manies alors que nous sommes déjà débordés par les nôtres. p.110
Quand son père l'appelait fiston, il savait que ça signifiait "je t'aime". Petit, il l'avait compris, mais les années passant, il l'oublia. Il ne comprenait plus comment son père disait "je t'aime" et en vint à penser qu'il ne l'aimait plus.
Elle avait laissé derrière elle un mari qu’elle avait épousé parce qu’il était gentil, qu’il était le premier à l’avoir demandé en mariage et qu’elle n’avait jamais su dire non, une mère qui marmonnait les yeux dans le vide et une enfant avec qui, depuis le début, elle n’avait su faire.
Parfois il pleurait. Pas parce que c'était triste. Parce quue c'était beau. Même s'il n'y avait parfois rien de plus triste que la beauté.
L'homme a cet optimisme démesuré de croire à son éternité exceptionnelle. Ce qui arrive aux autres ne lui arrivera jamais. Il en vient même à penser que la mort oubliera de le faucher. Cet optimisme est la contrepartie de la solitude, la raison pour laquelle, peut-être, nous tenons debout. Après tout, le centre de gravité n'y est pas pour grand-chose. Marcher, courir, le réflexe du nouveau-né, le mouvement permanent pour exorciser la position allongée définitive.
Le temps n'avait pas été dévastateur mais formateur. Il lui avait prouvé que l'âme pouvait varier et que l'inconstance des sentiments avait du bon; on pouvait se découvrir maternelle. Muer comme le serpent et laisser une peau derrière soi. Se transformer comme une chenille et devenir papillon. En même temps que son ventre et ses seins, elle s'était senti pousser des ailes de maman.