- Un jour, vous serez une vedette et peut-être même un grand artiste. Moi, je deviendrai hôtelier et je serai aussi con que mon père.
Mai 1968. Pendant que Paris se matraquait le crâne et s'envoyait des pavés à travers la figure, moi, bêtement, j'offrais des fleurs à une femme.
Mes premiers cachets furent très modestes. Le patron de la brasserie m'avait offert mille anciens francs par jour et me nourrissait le soir. J'avais droit au menu réservé aux maîtres d'hôtel.
Comme l'union fait la force, j'avais persuadé Etty de faire nos tournées en commun. Ce ne fut pas plus probant. Nous avons définitivement abandonné, un lundi, au sortir d'un regrettable malentendu.
Après avoir quitté l'école Joubert, j'avais donc fait mon entrée dans la vie active. Ma situation d'opérateur dans le cinéma paternel me laissant du temps libre, j'entrai comme apprenti-ouvrier chez un artisan qui fabriquait des objets liturgiques.
Tout était bon pour gagner du temps. De la mauvaise pensée à la gourmandise, en passant par la paresse, les mensonges, les actes de brutalité envers ma sœur, les gros mots, la rébellion et les gestes équivoques devant la fille du boucher. Tout, sauf le vol. Mon confesseur essayait bien de m’interrompre de temps en temps, mais après un rapide coup d’œil au coin du rideau, voyant que l’ennemi était encore là, je continuai. Puis, l’imagination complètement tarie, je stoppai net mon énumération. Le curé eut l’air vraiment soulagé.
Seulement voilà, aucun bonheur n’est parfait. Notre nouveau palais se trouvait être la moitié d’un grand appartement. Le propriétaire se réservait la jouissance de l’autre moitié. Les W.-C. ne pouvant être coupés en deux, ils faisaient partie de notre territoire et nous devions les partager avec nos logeurs qui venaient donc faire leurs besoins chez nous.
J’ai un besoin impératif de renverser de temps en temps un gros paquet de poivre sur les plats que je consomme. Je n’aime pas les régimes qui tentent de vous faire vivre plus longtemps dans un ennui total avec un cœur qui ne s’emballe plus. Vive la tachycardie !
Lorsqu’on a la chance d’être élevé par une famille un peu folle, on bénéficie d’un patrimoine qui n’est pas sans influence sur son avenir.
Comme tous les enfants, j’ai d’abord été attiré par les professions qui me rappelaient mes jeux ou qui m’offraient des responsabilités. C’est pourquoi j’ai voulu être tour à tour conducteur d’autobus et roi d’Angleterre. Vers mes huit ans, je fus assez impressionné par une remarque de l’épicier vis-à-vis d’une voisine aux mœurs légères.