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Critique de Woland


Woland
20 décembre 2014
Au titre, on s'attend à une grande et longue amitié liant Mme Maigret et, par exemple, l'une de ses relations d'Alsace. Mais cette "amie" est beaucoup plus modeste et de connaissance bien récente. Il s'agit d'une jolie petite jeune femme en tailleur bleu très simple, portant toujours un chapeau blanc - pas n'importe quel chapeau, nous dirait Mme Maigret : il ne vient pas des Champs-Elysées mais il n'a pas non plus été conçu chez une modiste de troisième rang - et, chose plus étonnante, des souliers faits sur mesure. Mme Maigret a lié conversation avec elle alors qu'elle attendait, sur un banc du square d'Anvers, l'heure de son rendez-vous chez le dentiste. La jeune femme est toujours accompagnée d'un petit garçon de deux / trois ans sur lequel elle veille avec le dévouement d'une mère. Pourtant, un jour, répondant à l'appel d'un homme aperçu dans un taxi, la jeune femme abandonne le petit aux bons soins de Mme Maigret, en lui promettant de revenir au plus vite. Voilà la femme du commissaire très ennuyée : non que garder le bambin la dérange - nul n'ignore combien Mme Maigret adore les enfants - mais enfin, il y a son rendez-vous chez le dentiste à 11 h 15, soit dans un petit quart d'heure ...

C'est par cet incident, qui mêle l'absurde au ridicule, que débute un roman où l'auteur fait intervenir de plein fouet le hasard. Pourtant, quand Maigret, rentrant ce jour-là par miracle chez lui pour déjeuner, trouve le pot-au-feu calciné et l'appartement rempli de fumée (Eustra nous en a déjà parlé ici ) et après avoir écouté le récit affolé de son épouse (la jeune femme a fini par passer reprendre le petit, mais il était plus de midi et demi), il ne se doute pas que cette petite histoire, en apparence sans importance, est l'une des pièces centrales d'un puzzle beaucoup plus vaste sur lequel lui-même et son équipe peinent depuis déjà plusieurs jours, sous les attaques que mène, dans la presse, un certain Philippe Liotard, avocat de son état, bien décidé, semble-t-il, à en découdre personnellement avec Maigret afin, c'est clair comme de l'eau de roche, de sortir de l'anonymat du barreau.

L'affaire sur laquelle travaille Maigret est à la fois simple et complexe. Un courrier anonyme a prévenu la P. J. qu'un paisible relieur - l'un des plus cotés de Paris, d'ailleurs, même s'il vit très simplement dans une minuscule maison-atelier - aurait fait brûler dans son calorifère le cadavre d'un homme qu'il aurait bien sûr assassiné. Renseignements pris, on découvre bien deux molaires humaines dans ledit calorifère et, dans la garde-robe du relieur, Hans Steuvels - il est d'origine flamande - un complet bleu taché de sang. Bien sûr, Steuvels nie tout en bloc : il ignore tout des molaires et encore plus du complet qui, d'ailleurs, ne lui appartient pas. Sa femme, Fernande, une ancienne fille de joie, ayant été attirée à Concarneau par un télégramme-bidon lui annonçant les dernières heures de sa mère et y ayant passé une soirée et le début d'une journée, Steuvels fait même remarquer que, lorsqu'il travaillait dans son atelier et puisque Fernande était absente, n'importe qui avait pu s'introduire chez lui pour y déposer les objets compromettants.. Avec cela, le relieur demeure d'un calme de brave homme, d'honnête homme - d'homme qui n'a rien à se reprocher.. A cause des molaires, le procureur l'a fait tout de même arrêter mais à part cela ... les preuves sont pour le moins évanescentes. On ne sait d'ailleurs pas à qui appartiennent lesdites molaires, le mort n'ayant apparemment eu aucun rapport de son vivant avec les services anthropométriques.

Là-dessus, M° Liotard, surgi d'on ne sait trop où et surtout à point nommé, a demandé à assurer la défense de l'inculpé. Sa méthode : attaquer celles de Maigret et convaincre le public qu'elles sont obsolètes et ne servent à sauvegarder la célébrité du commissaire - célébrité imméritée, cela va de soi. Et ça marche. En tous cas au début. Jusqu'à ce que ...

Roman classique, sans beaucoup d'action, roman presque banal en ce qui concerne l'intrigue, "L'Amie de Mme Maigret" vaut surtout pour l'analyse des rapports entre, d'une part, Maigret et son épouse et, d'autre part, celle de la relation qui unit Frans Steuvels à Fernande. A notre avis, ce n'est pas un "grand" Maigret mais, sur un mode plus intime et en dépit des développements de l'enquête, il nous en apprend beaucoup sur le couple que le commissaire forme avec sa femme. A réserver aux inconditionnels et, si vous voulez découvrir l'univers de Maigret, ne commencez pas par ce livre-là : il ne vous expliquerait en rien le succès immense de la série. Cet "Amie de Mme Maigret" n'est qu'un maillon dans une chaîne, un petit maillon, pas faible, non (au contraire, croyez-moi, il tient bien et il est à sa place), nécessaire, mais modeste et qui se refuse à se mettre en avant, un peu comme Louise Maigret, d'ailleurs. Mais, comme celle-ci, il a vraiment son utilité, vous le verrez en le lisant.. ;o)


Nota Bene : n'oubliez pas de lire aussi sur notre forum la fiche consacrée à "L'Amie de Mme Maigret" par notre amie Eustrabirbéonne, ici, en page 3 de ce post.
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