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Critique de ClaireG



Sinistre et intransigeant. Tel apparaît ce Joris Terlinck, le baas, bourgmestre de Furnes.

Et pourtant, à y bien regarder, il y a deux niveaux de lecture possibles à ce livre de Georges Simenon écrit dans les années 1930 : d'abord, l'histoire en elle-même de cet homme implacable, imbuvable avec ses employés, incorruptible, désagréable avec sa femme et son ancienne servante-maîtresse dont il a un fils illégitime mais exemplaire avec sa fille handicapée mentale. Puis, il serait certainement intéressant de décrypter ce bourgmestre sous l'angle de la psychologie. Je n'ai pourtant pas l'impression que c'est ce que recherche l'auteur que je lis pour la première fois. Ce n'est pas un roman policier.

Qu'est-ce donc qui rend ce livre intéressant ? D'abord, Furnes, petite ville à deux pas de la mer du Nord. Furnes avec sa Grand-Place aux milliers de pavés ronds, aux adorables maisons de brique à pignons en gradins de la Renaissance, son Hôtel de ville et l'église Sainte-Walburge, son beffroi qui égrène les heures. Furnes-la-jolie qui fait la joie des peintres depuis des siècles.

Et, bien sûr, ce Joris Terlinck, première personnalité de la ville, propriétaire d'une usine de cigares, qui dirige Furnes d'une main de fer. Lui qui refuse une avance vitale à l'un de ses employés qui se suicide, qui s'oppose à la gourmandise des promoteurs immobiliers, qui impose son avis à son conseil communal, lui ne dit jamais un mot de trop. Il doit bien avoir des failles puisqu'il est un être humain.

Sa première faille est sa fille, Emilia, qu'il exclut de placer dans une institution pour malades mentaux et qui vit dans une chambre de la maison familiale. Il s'en occupe seul, lui achète des mets délicats, la lave et nettoie son lieu d'existence avec la plus grande abnégation.

Sa deuxième faiblesse est sa mère, ancienne éplucheuse de crevettes, qui vit à Coxyde. Elle lui en veut d'être devenu riche et ne manque pas de lui faire tous les reproches possibles.

Sa troisième faille est la fille de son adversaire politique, enceinte sans être mariée de l'employé rabroué et suicidé. le père déshonoré a exilé Lina à Ostende où elle mène une vie libre et joyeuse avant et après son accouchement. Pour on ne sait quelles raisons, Terlinck veut suivre l'évolution de la jeune femme et découvre un tout autre mode de vie à Ostende-la-mondaine qu'à Furnes. Il s'y rend chaque jour, apporte le champagne, les chocolats, toutes sortes de cadeaux à Lina et sa colocataire sans attente d'aucune sorte.

Son attitude distante et ses allers-retours secrets empiètent sur ses responsabilités locales, font jaser et auront finalement raison de son maïorat.

En fait, ces trois villes sont chacune une part de la vie de Terlinck. Coxyde représente ses racines, Furnes est son présent rigide et morne, et Ostende est, non pas son futur, mais la possibilité d'une autre dimension, d'une autre vie. Dans chacune, il y a une femme. Dans chacune, il est un homme différent. Même s'il sait qu'il est proche de la déconfiture.

Univers étrange, sombre, triste, sans développements, sans explications, sans justifications. C'est ce qui m'a fait penser qu'une étude psychologique du personnage principal pourrait le faire mieux comprendre aux lecteurs de Simenon. Apparemment, dans les années '30, cela ne faisait pas partie de ses priorités. Je n'ai pas été comblée par cette lecture mais, au moins, j'aurai lu un Simenon dans ma vie.
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