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Critique de MarcelP


"(...) La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.

(...) Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

– Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?"

Brillant patron de presse, René Maugras se réveille à Bicêtre** après avoir subi un A.V.C. Privé de l'usage de la parole et de la mobilité de ses membres, cet homme de pouvoir se retrouve à la merci de soignants. Larguant les amarres d'un quotidien sclérosant, il se laisse alors flotter au gré des courants de sa conscience. Il interroge son enfance grise, ses amours médiocres, ses désirs brutaux, son éblouissante réussite, ses prestigieuses amitiés, ses insatisfactions latentes... A l'instar de Verlaine dans sa geôle de Mons, Maugras est prisonnier mais de son corps : petit à petit, il se déprend, par la pensée, de ce qui l'encombrait, ce suif gélifié (Maugras = mauvais gras) qui opacifiait son horizon et engourdissait ses émotions.

Adoptant le style indirect libre, Simenon plonge dans la psyché d'un homme écartelé par son hémiplégie. Paralysé à droite (la raison, la règle, la force), Maugras fouaille, à senestre (l'instinct, l'abandon, la fragilité) son coeur laissé à nu. Cette introspection fortuite durera le temps d'une courte convalescence, l'échappée belle d'une dizaine de jours d'un homme stupéfié. Les deux derniers chapitres, courts et rapides, exposent froidement le ressaisissement d'une destinée par une dextre triomphante bien qu'amoindrie. A cet égard, l'explicit est troublant qui fait d'une simple virgule basculer le roman vers l'espoir ou l'accablement (le romancier, divinité autocrate !).

Tenu de bout en bout, le roman a la capillarité grise de ses frères. L'angoisse qui sourd du récit, sa claustrophobie prégnante (la réclusion du héros dans son corps, dans sa chambre à l'horizon restreint et dans ses souvenirs étouffants) et le style continent de l'auteur entraînent le lecteur dans une valse triste et vaguement anxiogène. Celle des bilans de mi-parcours et des soldes de tout compte.

Disturbant.

* Les anneaux métaphorisent les ondes sonores des cloches d'une église qui ponctuent la journée des malades de leur carillon
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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