AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Renod


Joseph Lambert dirige une entreprise familiale de bâtiment en province. Une imprudence va déclencher un événement tragique et faire basculer sa vie. Il se rend à un rendez-vous de chantier accompagné par une de ses secrétaires, Edmonde Pampin, qui est occasionnellement sa maîtresse. Sur le chemin du retour, alors qu'il est au volant de sa traction, Lambert caresse sa passagère. Déconcentré, il perd le contrôle de son véhicule. A la sortie d'un virage, un bus rempli d'enfants parvient de justesse à l'éviter mais s'écrase quelques mètres plus loin contre un mur et prend feu. Lambert s'enfuit et veille à emprunter des voies secondaires. La nouvelle du drame se répand très vite. En ville, tout le monde est sous le choc. La traque débute : la police et la compagnie d'assurances du car cherchent à découvrir l'automobiliste qui a provoqué l'accident. Lambert accablé par sa mauvaise conscience se cherche une contenance. Quant à Edmonde, son visage ne trahit aucun trouble.
Avec cette trame, le lecteur s'attend à un roman sur deux coupables cherchant par tous les moyens à ne pas se faire démasquer. Alors oui, l'intrigue comporte quelques éléments appartenant au genre du roman policier, mais ce qui importe chez Simenon, c'est la crise que vit Lambert. La culpabilité devient secondaire. le drame a mis au jour la profonde solitude de cet homme. Lambert a réussi, son affaire est prospère. C'est un sanguin, un « taureau » qui a hérité des traits physiques de son père. Pourtant, il ne se sent pas à sa place. Il se sent étranger au sein de sa propre maison, trop propre, aseptisée, et auprès de son entourage familial et amical. Il n'a aucun lien, aucune complicité avec sa femme. Son frère Marcel qui travaille avec lui, plus intellectuel, le méprise. Sa bonne le hait comme elle hait tous les hommes. Ses partenaires de bridge sont des notables avec qui il n'a rien en commun. Il n'a personne avec qui partager sa détresse, à qui se confier. Un matin, Lambert se focalise sur Edmonde. Il se convainc que le lien qui les unit est plus que charnel, qu'il existe une vrie complicité entre eux deux. Leurs rapports sont une évasion dans un univers dominé par les tressaillements des sens. Sentant le dénouement arrivé, Lambert veut éprouver une dernière fois cette faculté de fuir. Il s'isole avec Edmonde, la possède brutalement mais rien ne se passe. Il prend brutalement conscience qu'Edmonde lui est tout aussi étrangère que son épouse. Il n'a d'ailleurs jamais pu partager avec elle sa culpabilité. Comme l'écrit Thomas Narcejac dans son ouvrage « le cas Simenon » (en 1950, soit 5 ans avant l'écriture de ce roman) : « Quand il est impossible de communiquer avec ses proches, quand l'amour cesse de circuler comme un flux nourricier, la conscience s'étiole, l'étouffement survient. » Une solution s'impose à lui, le suicide. Ce n'est pas un aveu, il ne se sent pas coupable, c'est le geste ultime vers la liberté.
Le héros des « Complices » est l'archétype du héros simenonien : un homme en crise, ressentant une solitude lancinante, dont la vie bascule. J'ai trouvé deux thèmes récurrents chez Simenon : la fièvre avec ses douleurs voluptueuses et le réveil avec la torpeur qui enivre l'âme. le roman est court, dense et puissant, caractéristiques qui sont la marque de fabrique de cet auteur. Je vous conseille fortement ce roman !
Commenter  J’apprécie          120



Ont apprécié cette critique (11)voir plus




{* *}