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Critique de Woland


C'est avec une résignation de martyr que, ce matin-là, le commissaire Maigret accepte de prendre l'appel de Mme Lognon. Celle-ci, rappelons-le à ceux qui l'auraient oublié, est l'épouse légitime de l'Inspecteur Malgracieux, le fait tourner en bourrique mais l'aime sans doute à sa façon et, en raison d'une semi-impotence réelle ou psychosomatique, lui impose de s'occuper de tout (courses, ménage, etc ...) à la maison tout en se plaignant bien entendu de ne rien pouvoir faire. En acceptant de lui parler, Maigret s'attend - et nous aussi, d'ailleurs - à des lamentations parce que, pour ainsi dire, Mme Lognon, c'est la Lamentation incarnée.

Mais, cette fois-ci, Mme Lognon a de réelles raisons de se plaindre : en effet, Lognon a disparu. Ce qui équivaut à peu près pour Maigret à voir s'écrouler sur lui tous les étages du 36, Quai des Orfèvres. Mais ce n'est pas tout : des "gangsters" sont entrés par deux fois chez Mme Lognon. A quoi a-t-elle vu que c'étaient des "gangsters" ? D'abord, ils parlaient anglais, ensuite, ils étaient habillés comme le sont les "gangsters", avec un goût détestable. Ils ont fouillé partout et, ce qui a beaucoup étonné la malheureuse, ils ont regardé sous les lits et dans les placards. Mais que diable pouvaient-ils bien espérer trouver chez Lognon ?

Finalement, il s'avère que celui-ci n'a pas tout à fait disparu. Il téléphone à sa femme de la chambre d'hôtel où il s'est mis provisoirement au vert. C'est que, quelques nuits plus tôt, alors qu'il faisait une planque pour une affaire de cocaïne dans un bar, il a vu une automobile s'arrêter brièvement le long du trottoir, le temps d'y faire rouler un corps. Toujours avide d'avoir "son" affaire qui le rendra l'égal d'un commissaire, quel qu'il soit, Lognon s'en est allé téléphoner pour obtenir quelques renseignements. le temps de revenir : plus de cadavre - en admettant que c'eût été un cadavre, bien sûr. Mais Lognon se rend vite compte qu'il est désormais filé, probablement par les occupants de l'automobile qui doivent le suspecter d'avoir fait disparaître le corps.

Maigret soupire, Maigret fait les cent pas dans son bureau. En bonne logique, Lognon devrait passer en conseil de discipline - il s'y attend, d'ailleurs, déclare-t-il avec la plus grande fermeté - mais le moyen d'agir de manière aussi indigne avec le malheureux qui, malgré tout, est un sacré bon policier ? Alors, Maigret fait la seule chose à faire : il prend Lognon sous son aile. Tous deux vont donc enquêter, Maigret à sa façon de commissaire qui n'a qu'à passer un coup de fil pour mettre sur l'affaire le nombre d'inspecteurs et de services qu'il veut, Lognon à sa façon d'Inspecteur Malgracieux, c'est-à-dire avec, d'abord, un rhume de cerveau carabiné - qu'il finira par refiler à Maigret d'ailleurs - et en patrouillant Paris à pied et en métro - fiches à l'appui pour le service-comptable.

Pour Lognon, la quête s'arrête avec brutalité : ramassé par ses suiveurs, il se fait salement tabasser et, comme, à demi-évanoui, il passe la nuit dans la forêt, il se ramasse une pneumonie qui se greffe, avec la joie que l'on devine, sur son rhume déjà plein d'arrogance. Bientôt, il y aura un autre inspecteur de blessé : au ventre, celui-là, par une balle (mais il s'en sort, je vous rassure.) Parce que, effectivement, Mme Lognon avait bien jugé : il s'agit bien de gangsters, venus de Chicago, à la poursuite d'un témoin gênant qu'ils ont ordre d'abattre en se faisant aider au besoin par un escroc de haut vol - et qui n'aime pas le sang - nommé Bill Larner. de bar américain en bar américain, Maigret s'entend dire, en gros : "Vous n'y parviendrez jamais. Laissez tomber. Ces gars-là, c'est un autre niveau que ceux de Paris."

Ce qui, vous l'avez deviné, l'exaspère au plus haut point et l'incite à persévérer.

Avec succès. Cela va de soi. Et Lognon peut enfin quitter l'hôpital et rentrer chez lui. Je vous raconte pas la joie de Mme Lognon qui commence tout de suite par lui faire des reproches sur son imprudence.

Roman simple, avec des moments d'un comique achevé, surtout du côté des dialogues et des descriptions d'un Lognon lamentablement enrhumé, ce "Maigret"-là, comme son titre l'indique, a un petit parfum américain que certains apprécieront, d'autres moins, quelques uns pas du tout. Pour ma part, je suis un peu mitigée mais je reste une inconditionnelle de Simenon et ce roman ne souffre pas à mes yeux des mêmes faiblesses que "Maigret A New-York". Pour moi, "Maigret, Lognon et les Gangsters" tient surtout du genre mineur même si l'auteur trouve le moyen d'y souligner avec finesse la profonde solidarité qui unit les policiers entre eux en pareille affaire. Se déguste donc avec satisfaction même si l'on se soucie peu, dans le fond, de la "victime", ce Mascarelli, lui-même demi-sel aux USA et qui, pour son malheur, a vu ce qu'il ne devait pas voir. (A propos, lui aussi sauve sa peau. Wink )

Bon, maintenant que vous savez tout, ou presque tout, bonne lecture !
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