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Critique de Polars_urbains


Un homme et des femmes.

Maigret se trompe est une enquête parfaite fondée sur des entretiens / interrogatoires minutieux des protagonistes, proches ou lointains (sauf la victime, Louise dite Lulu, évoquée par d'autres et que le Dr Paul se charge de « faire parler ») de l'affaire du crime du boulevard Carnot : la concierge, la femme de ménage, le distingué et célèbre professeur de médecine qui entretenait la jeune femme assassinée, son épouse et la soeur de celle-ci, son assistante, sans oublier l'amant de coeur de Lulu, un peu musicien et peu ex-souteneur, donc coupable idéal… On remarquera que le commissaire, qui semble redouter la confrontation avec le chirurgien, réserve celle-ci pour la toute dernière partie du roman (« Ce qu'il savait de Gouin, il l'avait appris des paroles et des attitudes de cinq femmes différentes. ») et qu'elle conduira à confondre les coupables… Un moment d'anthologie entre deux hommes secrets, issus de milieux sociaux semblables, deux êtres ayant « une connaissance à peu près égale des hommes et de la vie » mais qui ne doivent rien à personne : « Comme le professeur, Maigret était né dans un petit village du centre de la France, et comme lui, il avait été de bonne heure livré à lui-même. » Plus proche de Simenon que de Maigret, le professeur Gouin n'est-il pas aussi la face cachée du commissaire, une sorte de portrait en négatif ?

Comme souvent chez Simenon, la composante sociale est forte. Dès le début, nous trouvons l'opposition entre l'avenue Carnot du quartier des Ternes, aisé bourgeois, où vit le professeur Gouin et où il a installé Louise, et les environs alors misérables du boulevard de la Chapelle, domaine des truands et des prostituées (« les silhouettes familières étaient à leur place. »), l'ancien milieu de la même Louise. Deux quartiers et deux couches sociales. Puis une opposition entre les deux « hommes » de Louise, l'homme arrivé au sommet de sa profession, et le plus que modeste saxophoniste de bal musette, entre l'épouse de Gouin et sa soeur… Et tous ces personnages ramenèrent à des êtres issus de milieux pauvres, que la réussite professionnelle et sociale n'aura pas réussi à satisfaire.

Emile Gouin est bien évidemment la vedette de Maigret se trompe, et comme toutes les vedettes, il sait se faire attendre. Ou du moins, Simenon ménage ses effets. Au coeur de l'intrigue, jouissant d'une réputation flatteuse, protecteur de la jeune femme assassinée, protégé par toutes celles qui l'approchent, on ne parle que de lui mais il n'apparaît qu'indirectement. Il faudra attendre les deux derniers chapitres pour que Maigret se décide à pénétrer dans ‘appartement de l'avenue Carnot pour avoir une discussion avec le brillant professeur. Redoute-t-il ce moment ou bien ne sait-il pas déjà tout de lui grâce aux entretiens qu'il a eus préalablement ?

Analyse fouillée de la personnalité d'un homme à femmes (aux relations aussi passagères et furtives que dépourvues de sentiment), dur et tragique, mais aussi six portraits de femmes si l'on inclue la victime, fort différentes les unes des autres (de la vieille fille frustrée à la fidèle assistante en passant par une épouse résignée et une fille facile) et gravitant autour de lui, Maigret se trompe est un bon exemple de ce que Simenon sait faire en matière d'étude psychologique. Car si l'intrigue et sa résolution n'auront finalement guère d'importance (tous les protagonistes auraient bien pu être coupables !) le lecteur a l'impression d'en savoir un peu plus sur la personnalité de chacun, surtout celle du professeur Gouin. du grand art !

Lien : http://www.polarsurbains.com..
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