AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SZRAMOWO


Roman psychologique, roman du dédoublement de personnalité, roman de l'inassouvissement, on trouve dans Faubourg, le titre que j'ai choisi pour rédiger une chronique du tome 20 des oeuvres de Simenon dans la collection Omnibus, l'essence même des talents littéraires de l'auteur. Cette capacité à traquer chez ses personnages les failles intimes qui constituent la trame de leur histoire et souvent de leur déchéance et de leur chute.
Ils appartiennent à notre monde mais s'estiment lésés par la société, leur famille, ils ont manqué de chance, mais auraient pu…, alors ils essayent de prouver en recourant à des solutions qui les remettront en selle et qu'ils oublieront aussitôt, juste une fois, ils ne les utiliseront qu'une fois pour repartir et revenir dans le droit chemin, mais on ne saisit pas ce type de chances sans risques….
René Chevallier est un drôle de bougre, 24 ans après l'avoir fui, il revient dans sa ville natale sous une fausse identité, il dit s'appeler de Ritter, la traduction allemande ou hollandaise de chevalier.
Il se cache de ceux qui le connaissent, prend une chambre chez son ancien camarade de collège Albert,
« C'était Albert qui avait grossi et dont les cheveux étaient beaucoup plus roux que quand il était enfant. Il n'avait pas reconnu Albert. »
S'invente une famille noble et une lignée, en montrant sa chevalière ( !) :
« Ce sont les armes de ma famille, dit de Ritter, du bout des lèvres. »
Il ne divulgue pas son identité, préférant le mystifier en prétendant qu'il est une sorte de fakir disposant d'un don de voyance :
«Il ferma les à demi yeux, à la façon d'une somnambule extra lucide :
Vous avez une soeur plus âgée que vous, Renée…
- C'est exact.
- Vous me ferez croire que vous êtes un peu fakir ?
- Qui sait ? »
René de Ritter, est sensible à l'atmosphère de sa ville, celle dans laquelle, malgré ses malheurs, il fut enfant :
« On était en mai. Ailleurs, de Ritter ne savait jamais la date. Mais ici, il la devinait rein qu'à la luminosité, à la fluidité de l'air. »
En même temps il se présente dans cette ville avec tous les attributs de l'étranger, un costume baroque d'acteur, une moustache, un chapeau à larges bords, une canne à pommeau d'or et déambule dans les rues en adoptant l'allure de celui qui sait et qui cherche.
Sa propre mère ne le reconnait pas.
« On l'avait déjà remarqué. Etait-ce bien d'un acteur qu'il avait l'air ? D'un étranger, en tout cas, surtout qu'il portait les pattes sur les joues. Puis sa façon de marcher, en brandissant un jonc à pommeau d'or. Et sa façon de regarder autour de lui ! »
Seule sa tante Mathilde et une ancienne amoureuse, Marthe, voient en lui René Chevalier l'adolescent timide qu'il fût. Cela l'émeut autant que ça l'irrite. Il en veut et n'en veut pas.
De Ritter est revenu dans sa ville pour assouvir un désir longtemps enfoui, afin de montrer qu'il a réussi, qu'il est un autre, même si au fond de lui tout le ramène vers René Chevalier. Il y est revenu en compagnie de Léa, une prostituée encartée, ramenée de Clermont-Ferrand où elle exerçait en maison.
Elle est le repère de sa vie crapuleuse, celle qui l'attire mais qui lui fait peur, et dont il sait qu'elle ne constitue pas sa vraie nature, d'ailleurs Léa ne se cache pas de lui répéter les paroles de Fredo le truand de rencontre à qui il a parlé d'une affaire, mais personne n'est dupe :
« - Elle dit comme ça que Fredo ne veut pas qu'elle travaille avec les amateurs… »
Il décide d'épouser Marthe, sans savoir s'il l'aime vraiment, s'il est sincère ou s'il joue la comédie, et construit un personnage à plusieurs facettes dont il organise la vie, côté vice Léa et la logeuse, coté vertu Marthe et son magasin de chaussures :
« Il ne savait plus au juste quand il mentait et quand il disait la vérité. Il ne voulait pas le savoir. Il était heureux, le matin quand les femmes en peignoir rodaient autour de son lit, puis quand, en pyjama et en robe de chambre, il écrivait son article et qu'elles s'éloignaient sur la pointe des pieds pour aller chuchoter dans la salle de bains. Il aimait que la logeuse eût cet air débraillé, cette impudeur sordide et il lui arrivait, en passant, de donner une chiquenaude sur son énorme sein.»
Tiraillé entre la morale et Léa, René finira par craquer, à vous de découvrir comment, en lisant ce court roman (84 pages) classé dans la catégorie « romans durs » de Simenon, ceux dans lesquels Maigret n'apparaît jamais, même s'il y est en filigrane, mais qui n'en sont pas moins passionnants à lire :
« - Tu es une grue !
- Tu ne t'en es pas toujours plaint !
- Ça va…ferme –la ! »

Lien : http://desecrits.blog.lemond..
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}