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Critique de Thrinecis


En refermant ce pavé de plus de 650 pages, je suis très partagée entre un avis absolument enthousiaste sur la majeure partie du roman et une énorme déception sur 100 dernières pages !

Commençons par le positif. S'inspirant de l'histoire vraie de la disparition en 1924 de deux célèbres alpinistes britanniques, George Mallory et Sandy Irvine sur les pentes de l'Everest, Daniel Simmons nous livre un magnifique roman sur l'ascension de ce mythique sommet himalayen, dont l'écriture extrêmement documentée, précise, réaliste et inspirée force l'admiration.

1924. Trois alpinistes de renommée internationale, l'américain Jake Perry, le britannique Richard Deacon et le français Jean-Claude Clairoux sont missionnés par Lady Bromley pour retrouver son fils Percy, disparu lors de son ascension de l'Everest, dans des circonstances un peu mystérieuses. Mais les trois amis sont surtout motivés par la possibilité de profiter du gros budget que leur donne la mère de Percy pour payer l'expédition et gravir eux-mêmes l'Everest. Pendant un an, ils préparent méticuleusement l'expédition, testant et améliorant leur matériel. Enfin, ils se lancent sur les traces de Mallory, Irvine et Percy Bromley.

La préparation de l'expédition, que certains pourraient trouver longue, dure un an et couvre plus de 200 pages. Mais elle est absolument passionnante, minutieusement détaillée et permet de se familiariser avec les techniques et le matériel utilisé par les alpinistes des années 20 du XXème siècle. le romancier prend quelques libertés avec L Histoire, accélérant le temps en prêtant au trio d'amis des innovations qui n'existeront que bien des années plus tard, et qui contribueront à augmenter leurs chances de survie lors des ascensions en haute altitude : ils vont ainsi "inventer" les crampons à 12 pointes dont les 2 pointes frontales permettent l'escalade de parois de glace en réduisant considérablement sa durée, les parkas imperméabilisées en duvet d'oie plus chaudes et légères que les vestes en laine de l'époque et surtout restant sèches à l'inverse de la laine mouillée impossible à sécher avec le froid, les bouteilles d'oxygène moins lourdes à porter et plus faciles à utiliser, des cordes plus solides que les anciennes en chanvre, des bloqueurs, de nouveaux piolets etc.

Puis l'expédition commence à Darjeeling, toujours décrite de manière extrêmement immersive, relatant les allers-retours entre le camp de base, le camp II, le camp III, le IV, le V jusqu'au camp VI vers 8200 mètres d'altitude, avec les portages de matériel, l'installation des cordes et des balises de bambou pour éviter les crevasses, les problèmes d'acclimatation à l'altitude des héros qui affrontent le blizzard et les températures plus que négatives. C'est très prenant, on s'y croirait presque ! A partir des traces laissées par Mallory et Irvine, on revit dans le détail les étapes de leurs derniers jours d'expédition. Je suis plutôt néophyte en matière d'himalayisme et toute cette partie de l'ascension m'a époustouflée et passionnée. Les connaisseurs n'auront peut-être pas le même ressenti.

A partir du camp VI, l'aventure prend une tournure angoissante : un sherpa meurt d'une embolie pulmonaire, les sherpas restés au camp de base sont victimes d'une attaque sauvage et les membres de expédition sont traqués par les mystérieux attaquants qui s'en sont pris aux sherpas.

C'est à ce moment là que le roman est censé devenir fantastique comme le laisse entendre la quatrième de couverture très "marketée" et son titre qui évoque irrésistiblement la mythique créature du yéti. Mais si, comme moi, vous espériez des monstres ou toute autre entité surnaturelle, vous en serez pour vos frais. L'auteur, ou plus certainement l'éditeur, s'est livré à un petit jeu de mots sur le titre qu'on ne comprendra que dans les 100 dernières pages et qui nous fait attendre, espérer inutilement l'arrivée d'un abominable homme des neiges.
C'est avec cette révélation de la véritable nature de l'abominable qu'est venue mon immense déception : le mobile sur lequel repose toute cette intrigue et qui explique la disparition de Lord Bromley est tout simplement grotesque. Et ce qui était un génial roman d'aventures devient d'un seul coup ridicule et totalement non crédible. J'aurais préféré que Dan Simmons se casse un peu moins la tête pour trouver une explication incroyable à la disparition de Lord Bromley et se contente d'une explication rationnelle en lien avec la fabuleuse beauté et la terrible hostilité naturelles de cette zone de survie et de mort qu'est le sommet de l'Everest. Quel dommage ! Pourquoi un romancier de grande valeur, capable de nous faire vivre l'ascension du terrible ressaut Hillary, s'est-il perdu dans une intrigue qui sonne si faux ?

Je vais me consoler avec Tintin au Tibet : là au moins, il y en a un vrai d'Abominable !

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