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Critique de UnCurieux


Terreur. Un récit qui décrit avec une précision diabolique l'enfer gelé et la longue agonie de ces matelots perdus au bout du monde. C'est aussi un récit où désespoir et combativité se conjuguent pour créer un souffle épique : un roman du genre de ceux qui vous saisissent et ne vous lâchent plus pendant des jours. Vous l'aurez compris, Terreur n'est pas un récit qui donne le sourire.

Ce roman se retrouve au confluent de plusieurs genres : l'horrifique, le roman historique, le fantastique.

S'agissant d'un roman historique, les faits servant de fondement au roman sont tout ce qu'il y a de plus réel. Oui, le HMS Erebus et le HMS Terror ont existé : ces navires ont accueilli James Clark Ross lors du dernier voyage d'exploration fait entièrement à la voile. C'était en 1839/1843, un voyage à visée scientifique vers une région inconnue des hommes et abandonnée des dieux. Cette expédition est d'ailleurs évoquée à plusieurs reprises dans le roman.

En effet, c'est à l'occasion de cette expédition que Francis Crozier, un irlandais officier de la marine de Sa Majesté et principal protagoniste du roman, est devenu commandant du HMS Terror.

Non seulement les navires sont réels, mais les membres de l'équipage et l'expédition elle-même ont, eux aussi, existé.

Je distingue une intrigue en quatre temps, chaque temps ayant son propre rythme. Vous alternerez les points de vue tout le long du livre entre les différents membres d'équipage, vous permettant, grâce à la multiplicité des récits, de saisir, par touches successives, la globalité de l'image qui échappe aux infortunés membres de l'équipage.

Le roman commence avec un mouvement de va-et-vient entre le présent (Octobre 1847) et le passé (avant que les navires ne soient prisonniers des glaces, voire avant que les navires ne quittent l'Angleterre). Les personnages sont introduits et présentés ; les raisons de l'expédition et son cheminement y sont explicités. Quelques longueurs, mais des longueurs nécessaires pour la suite du récit. Je ne m'y attarde pas : ce n'est pas ça qui va vous accrocher.

Viens ensuite le second mouvement de cette sinistre symphonie : l'été 1847 se termine ; cela fait deux ans que le HMS Terror et le HMS Erebus sont prisonniers des glaces au large de l'Île du Roi-Guillaume. La fonte, tant espérée, n'a pas eu lieu. Il ne sera pas possible d'attendre l'été 1848, du moins, très probablement. : les réserves de nourriture ne le permettront pas. Que faire? Chasser? Hors de question : la Chose des Glaces l'interdit. La Chose des Glaces? Oui : une créature mystérieuse, particulièrement rusée, semble tuer les membres de l'équipage pour le plaisir, et vide les alentours de tout gibier…

Ajoutons à ce tableau une jeune inuit muette, dépeinte comme une sorcière par les hommes d'équipage supertitieux, un moral qui baisse, des tensions qui croissent, une nuit quasi perpétuelle, des conditions météorologiques ignobles, et vous comprendrez que la situation n'est pas au beau fixe.

C'est à partir de là que vous allez vous attacher aux personnages, qui sont tous réalistes : les portraits esquissés sont tous saisissants de profondeur et je ne peux dire ce qui relève du réel et ce qui relève de l'imagination de Dan Simmons.

C'est aussi à ce stade que vous vous poserez des questions : s'agit-il d'une oeuvre fantastique? Ou n'est-ce que la retranscription de la peur irrationnelle de marins superstitieux? Rien n'est sûr. le doute est permis.

Enfin, la troisième étape, la plus haletante, la plus désespérée aussi. Là, les solidarités sont mises à l'épreuve ; la folie danse avec l'espoir ; nous quittons les terres connues du récit historique pour nous aventurer dans un pays cauchemardesque, les visions hallucinées se succèdent jusqu'à ce qu'on atteigne le sommet (ou les abysses) ! Chacun se trouve transfiguré, transformé, par les épreuves qui lui sont réservées. Je reste, ici, volontairement dans le vague pour ne pas gâcher le plaisir des futurs lecteurs.

Finalement, la quatrième étape est plus calme, plus posée. Cela me rappelle le Seigneur des Anneaux, le Retour vers la Comté : on ne retrouve pas le caractère épique de la grande guerre et des grands événements qui ont secoué le reste du monde. Certains, sans doute, seront déçus par cette fin, qui n'aura pas le rythme génial de ce qui l'a précédé. Pour ma part, j'ai trouvé qu'il s'agissait-là d'une respiration bienvenue, et d'une conclusion satisfaisante à ce qui n'aurait été sinon qu'une longue suite de douleurs, de pertes et d'injustices.

Faisant quasiment mille pages, ce n'est pas une lecture rapide. C'est clair, évident, je ne peux le nier. Mais ce que je peux vous confirmer, c'est qu'une fois franchi les longueurs du début, vous serez piégé dans la glace avec l'équipage. Vous prierez avec eux, vous souffrirez avec eux, vous vous garderez de tout espoir excessif sur leur sort, mais vous ne pourrez vous empêcher d'y croire : ils ne rentreront pas tous, mais certains vont y arriver. Il le faut.

Surtout, vous vous rendrez vite compte que le froid, la faim, la maladie ne sont que des dangers somme toute secondaire. Même la Chose des Glaces, péril mortel indéniable, n'est pas le vrai ressort de l'horreur.

L'enfer, ce n'est ni la glace, ni l'assiette vide ; l'enfer, c'est les autres. La rédemption, aussi.

Voilà un roman qui mérite d'être lu, à l'écriture solide : on sent l'immense boulot mis dans la confection de ce petit bijou (et la partie remerciements, à la fin, ne fait que confirmer cette impression). C'est donc, vous l'aurez compris, un roman que je recommande chaudement (ho ho).

Critique complète à lire sur mon blog.
Lien : https://journalduncurieux.co..
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