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Jean-Daniel Brèque (Traducteur)
EAN : 9782221107430
720 pages
Robert Laffont (11/09/2008)
4.09/5   821 notes
Résumé :
1845, Vétéran de l'exploration polaire, Sir John Franklin se déclare certain de percer le mystère du passage du Nord-Ouest. Mais l'équipée, mal préparée, tourne court ; le Grand Nord referme ses glaces sur Erebus et Terror, les deux navires de la Marine royale anglaise commandés par Sir John. Tenaillés par le froid et la faim, les cent vingt-neuf hommes de l'expédition se retrouvent pris au piège des ténèbres arctiques. L'équipage est, en outre, en butte aux assauts... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (138) Voir plus Ajouter une critique
4,09

sur 821 notes
Cela faisait un petit moment que j'avais envie de découvrir Dan Simmons, voilà qui est désormais chose faite avec Terreur, ce pavé de 1050 pages au format poche qui m'a tenu occupé de nombreuses heures.

Un pavé qui m'a entraîné bien loin de chez moi, en Arctique comme un témoin de la terrible expédition maritime et polaire britannique que fut l'expédition Franklin partie de l'Angleterre en 1845 ayant pour objectif l'exploration de cet espace géographique dangereux et encore méconnue ainsi que la recherche du passage du Nord-Ouest. Une expédition qui vire rapidement à un cauchemar sans fin.

Un pavé aussi que j'ai failli abandonner après en avoir lu la première centaine de pages car Terreur est un récit qui prend son temps, le rythme est lent et il faut l'accepter. C'est un élément de l'intrigue, c'est le rythme de la vie sur ces deux navires, le HMS Erebus et HMS Terror piégé dans la glace en pleine banquise. C'est le rythme de la très longue nuit polaire, de l'hiver interminable, et de la lente agonie des membres d'une expédition qui tente de survivre dans des conditions extrêmes voyant leur chance de survie s'amenuiser au fil des années qui passent.

Il faut donc passer outre ce rythme lent, laisser le temps faire son oeuvre et tourner les pages une après l'autre pour découvrir le formidable récit que propose Dan Simmons. Vous laissez emporter dans cette ambiance poisseuse, collante, de terreur qui imprègne chaque personnage de ce roman, une terreur qui augmente au fil des pages et qui est gérée avec brio par l'auteur. Une fois le roman bien entamé, l'idée de l'abandonner m'a vite quitté : je voulais absolument savoir comment ce roman allait se terminer.

L'ambiance qu'est parvenue à créer Dan Simmons sur près de 1000 pages est remarquable : un froid mordant, glaçant, une nuit polaire qui n'en finit pas, une prison à ciel ouvert oppressante, la faim qui grandit de jour en jour quand la nourriture vient à manquer, la maladie qui vous affaiblit à petit feu vous tuant de l'intérieur lentement mais sûrement et la peur, la peur de mourir, la peur de son voisin, de l'inconnu, et de la bête terrifiante qui les harcèle apportant quotidiennement tout au long de l'intrigue son lot de mort.

Plus la situation devient critique, plus la situation se tend et que l'espoir de survie de la troupe s'amenuise et plus je me suis demandé combien d'hommes de cette expédition finiront par survivre et surtout à quel prix. Par bien des aspects Dan Simmons nous propose ici un récit réaliste, souvent très intéressant, instructif et rempli de détails qui contribue au caractère immersif de cette lecture. On sent que l'auteur a réalisé un travail de recherche plus que conséquent afin d'écrire ce roman.

Hier j'ai tourné la dernière page de ce dernier conscient d'avoir lu un roman que je ne suis pas près d'oublier pour son ambiance, certains de ces personnages, ce voyage dépaysant, terrible mais par bien des aspects passionnants. Moi qui ne lis habituellement pas d'horreur je suis bien content d'avoir néanmoins tenté ce roman qui je pense mérite d'être découvert.

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Plus de 1000 pages !
Cela peut faire hésiter.
On aurait tort de se laisser décourager par un pavé quand il est de cette qualité.
Car TERREUR, n'est pas seulement un gros livre, c'est d'abord un grand livre.
Une preuve ? Je ne suis guère féru de récits maritimes, et pourtant, j'ai trouvé passionnant les détails techniques que l'auteur a réunis.
Mais, au fait, de quoi est il question ?
Nous sommes en 1845, deux bâtiments britanniques, L'Erebus et le Terreur, sont piégés dans les glaces.
Face à l'incompétence, l'injustice, le froid glacial, la faim, la situation va vite devenir dramatique.
Ajoutons à cela, que la menace d'une créature mystérieuse, sorte de croisement entre le yéti et un démon, aggrave encore la peur et les doutes qui assaillent les naufragés.
Là, je suppose que Simmons, habitué du fantastique, n'a pu s'empêcher de placer cet élément dans son récit, mais cela, loin d'être incongru, apporte un plus au roman.
Le roman n'est donc pas long, car le récit est véritablement passionnant, à tel point que j'ai eu du mal à le lâcher avant le fin, ce qui est assez rare, puisqu'il m'arrive souvent d' intercaler dans mes lectures d'autres lectures et de les faire durer.
Impossible avec un "page turner" (je n'aime pas trop les anglicismes, mais celui-ci est approprié) comme TERREUR.
Dîtes Babelio, on ne peut vraiment pas emmener 7 livres sur une île déserte, celui-ci ferait bien mon 7 ème choix !
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“La vie humaine est solitaire, misérable, dangereuse, animale et brève (...).

***

Mai 1845. Deux navires de la Royale Navy larguent les amarres et mettent le cap vers les eaux glacées arctiques avec à leur bord un équipage de 134 hommes. le capitaine John Franklin et son second Francis Crozier dirigent l'expédition. L'objectif est de franchir le fameux passage dit du “Nord-Ouest” - un corridor maritime reliant les océans Atlantique et Pacifique via le Grand Nord canadien. 

Les enjeux (commerciaux) sont grands et les périls à braver plus grands encore. Pour ces raisons, l'amirauté britannique n'a pas lésiné sur les moyens. Taillés pour la guerre, le HSM Terror et le HSM Erebus sont de robustes bâtiments flottants à la pointe du progrès (coques renforcées, moteurs à vapeur puissants, chauffage central, etc). Il est prévu suffisamment de vivres et de provisions pour tenir trois voire cinq ans en se limitant. Malheureusement, si toutes les conditions de succès semblent réunies, le voyage tournera au désastre. 

*

Dan Simmons revisite avec virtuosité l'un des épisodes les plus tragiques de l'histoire de l'exploration polaire. Un épisode qui, après 179 ans,  continue à faire couler encore beaucoup d'encre tant les inconnues et zones d'ombre restent nombreuses. Bien que les épaves retrouvées en 2014 et 2016 ont permis de clarifier certains points, tous les mystères entourant cette expédition ne sont toujours pas levés. 

J'ai particulièrement aimé la façon dont l'auteur s'est emparé du sujet. Avec rigueur et passion. Il a effectué un travail de recherche impressionnant pour coller au plus près de la réalité. La fiction n'intervient que pour combler les blancs. Férue de récits d'aventures maritimes et de romans historiques, amatrice de sensations fortes, je me suis délectée de chaque page, ai vécu intensément chaque instant. Rarement un livre ne m'aura à ce point absorbée, fascinée et en même temps horrifiée. Il a accompagné mes jours, hanté mes nuits. 

*

Conteur extraordinaire, l'auteur décrit avec une efficacité redoutable l'enfer blanc et les tourments de ces hommes confrontés à la toute-puissance des éléments. Sa plume est riche, précise, terriblement immersive. L'obscurité quasi permanente. le grondement incessant de la glace. le froid. La faim. L'épuisement. le temps qui s'étire. Les espoirs qui s'amenuisent. La peur qui brouille les esprits. La folie qui couve. Et la mort qui guette. de cette lente et ô combien cruelle agonie, le lecteur partage tout, il voudrait pouvoir repousser l'inéluctable mais le combat est vain, l'humilité est de mise.

En dépit de sa longueur, “Terreur” se dévore sans effort (ou presque). le rythme est maîtrisé avec  des moments d'action et de suspense insoutenable entrecoupés de moments plus calmes où l'on tente (difficilement) de reprendre son souffle. Les attaques de la “bête” donnent lieu à des scènes hallucinantes. La touche de fantastique est vraiment bien amenée. L'auteur n'a pas son pareil pour instaurer un climat de tension extrême où la menace peut surgir de partout et frapper n'importe quand. Où seule compte la survie. J'en frémis encore.

Il est des livres dont on sait qu'ils laisseront en nous leur empreinte et pour moi celui-ci en fait indéniablement partie. 
Une lecture mé-mo-rable!
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Longtemps source de fascination et d'ambition, la recherche du légendaire passage du Nord-Ouest – hypothétique passage maritime reliant l'océan Pacifique et l'océan Atlantique – fut l'objectif de nombreuses expéditions polaires pendant la majeure partie du XIXe siècle. L'expédition John Franklin, partie d'Angleterre en 1845, n'est donc qu'une de ces tentatives parmi d'autres mais elle restera longtemps dans les mémoires pour sa fin tragique et mystérieuse. En effet, des deux grands navires constituant l'expédition, le HMS Erebus et le HMS Terror, aucun n'a jamais revu les rives de l'Angleterre. Nulle nouvelle non plus des 128 marins, officiers et soldats de l'équipage, tous disparus au large de l'Alaska. Aucun des nombreux bateaux lancés à la recherche de l'Erebus et du Terror n'ayant apporté de véritable éclaircissement sur cette double disparition, l'expédition John Franklin a progressivement enflé dans la mémoire collective anglo-saxonne, jusqu'à accéder finalement au statut de véritable légende urbaine. C'est à cette fameuse légende que Dan Simmons a décidé de s'attaquer à bras-le-corps.

Nous sommes en 1848 à bord du Terror et de l'Erebus, prisonniers depuis maintenant une année et demie dans les glaces de l'Arctique. Incapables de se libérer de la banquise malgré l'éphémère réchauffement estival, les deux navires affrontent pour la deuxième fois consécutive l'hiver polaire. Dehors, règnent la nuit glacée et l'obscurité éternelle. Dedans, sont frileusement calfeutrés les hommes d'équipage, l'estomac rongé par la famine et le coeur frigorifié par l'angoisse. Depuis longtemps, ils ont renoncé au rêve de pouvoir voguer à nouveau, mais espèrent encore fiévreusement en l'arrivée de secours envoyés par l'Amirauté.

Ce qu'ils ignorent, c'est qu'ils ne sont encore qu'au début de leur calvaire... Car le froid s'intensifie. La nuit s'obscurcit. Et dehors, rôde une bête monstrueuse, une « Terreur blanche » bien trop gigantesque pour être un simple animal, qui fauche les uns après les autres les malheureux marins et entraîne leurs corps mutilés sous la glace pour les dévorer. Pourtant, les hommes s'obstinent à lutter, prêts à toutes les extrémités pour s'accrocher à la vie, y compris à marcher des milliers de kilomètres sur la terre gelée pour retrouver le monde civilisé. Mais parviendront-ils seulement à quitter les navires en perdition ? Parviendront-ils à regagner l'océan ? Qui se souviendra du Terror et de l'Erebus ? Qui se souviendra de sir John Franklin, du capitaine Francis Crozier, du chirurgien Goodsir, de l'enseigne Irving, du maître des hunes Harry Peglar et de tant d'autres quand la glace impitoyable aura brulé leurs âmes et broyé leurs cadavres ?

Davantage qu'un roman fantastique, c'est un splendide récit d'aventure que nous offre là Dan Simmons, une excursion tragique et haletante dans l'enfer glacé du Grand Nord ! Comme pour son roman plus récent « Drood », on ne peut que saluer l'impressionnant travail d'historien effectué par le romancier et le sens du détail avec lequel il retranscrit le contexte historique de son récit. Mais ce sens du détail et cette exactitude ne seraient rien sans le souffle qui parcourt le roman de fond en comble, un souffle glacial et coupant comme un rasoir qui réfrigère jusqu'à la moelle des os les pauvres lecteurs que nous sommes. Comme c'est généralement le cas chez Simmons, les personnages bénéficient d'une psychologie fouillée et sont traités avec beaucoup de réalisme, ce qui ne fait qu'accroître l'empathie et la pitié que l'on éprouve à leurs égards. L'aspect surnaturel, quant à lui, reste assez discret – si discret qu'il décevra peut-être certains amateurs du genre – y compris lors des apparitions de la « Terreur blanche », monstre terrifiant certes, mais surtout allégorie d'un pays hostile et meurtrier où l'homme blanc et sa civilisation ne peuvent que périr, faut de savoir s'y adapter.

Effrayant, palpitant et addictif, « Terreur » se dévore à toute vitesse malgré ces 1000 pages et quelques : je le recommande très chaleureusement aux amateurs de l'oeuvre de Simmons et à tout autre lecteur en mal de sensations fortes !
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Rien qu'en repensant aux heures passées à dévorer ce livre, j'en frissonne encore. Brrrrrr... Pour ceux qui n'ont pas peur de mourir de froid (même simplement en imagination) ce livre sera un pur régal. le seul reproche qui pourrait être fait à cette histoire est sa lenteur.

Cependant, bien que l'histoire avance au rythme ralenti des individus presque pétrifiés par le froid, les tensions et « terreurs » qui parsèment le récit n'en sont qu'amplifiées. Bref, ce récit à vous glacer le sang, régalera tous les fans de mystères mystiques qui ne seront pas effrayés par la taille de ce roman ainsi que par sa relative lenteur.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
Les animaux avaient refait leur apparition en même temps que le soleil et la mer, dans le ciel comme dans les eaux. Durant les longues journées de l'été arctique, où l‘astre du jour demeurait au-dessus de l'horizon presque jusqu'à minuit et où les températures montaient parfois au-dessus de zéro, les cieux s'emplissaient d'oiseaux migrateurs. Franklin lui-même parvenait à distinguer les pétrels des sarcelles, les eiders des mergules et les petits macareux des autres oiseaux. Autour de l'Erebus et du Terror, les chenaux de plus en plus larges grouillaient  de baleines franches qui auraient pu faire saliver un baleinier yankee, sans parler des morues, harengs, et autre menu fretin (...).
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[...] ... Dehors, il fait noir comme dans le ventre d'une anguille - pas de lune, ni d'étoiles, ni d'aurore boréale - et, surtout, il fait froid ; la température atteignait - 53° C six heures plus tôt, lorsque le jeune Irving est monté la mesurer, et un vent violent sur les moignons de mâts [les mâts ont été démontés en partie afin de donner une meilleure assise au bateau] et sur le pont gîtant et couvert de glace, chassant la neige devant lui. Comme il émerge de la bâche gelée tendue au-dessus de la grande écoutille, Crozier plaque sa main gantée sur son visage pour se protéger les yeux et aperçoit la lueur d'une lanterne à tribord.

Reuben Male est agenouillé près du soldat Heather, qui gît sur le dos, débarrassé de sa casquette et de sa perruque galloise, mais aussi d'une partie de sa boîte crânienne, ainsi que le constate Crozier. Aucune goutte de sang ne semble avoir coulé, mais il distingue des bribes de cervelle luisant à la lueur de la lanterne : une couche de cristaux de glace recouvre déjà cette matière grise.

- "Il est encore vivant, commandant", dit le chef du gaillard d'avant.

- Foutredieu !" s'exclame l'un des hommes qui se pressent derrière Crozier.

- "Suffit !" s'écrie le premier maître. "Cessez de blasphémer ! Et attendez, pour l'ouvrir, qu'on vous adresse la parole, Crispe."

Sa voix est à mi chemin du grondement de dogue et du reniflement de taureau.

- "Monsieur Hornby", dit Crozier. "Demandez à Mr Crispe de redescendre et de nous rapporter son hamac pour transporter le soldat Heather.

- A vos ordres, commandant," répondent à l'unisson le premier maître et le matelot.

On sent vibrer le pont sous les bottes de ce dernier, mais le vent assourdit le bruit de sa course.

Crozier se redresse et éclaire les alentours.

La lourde rambarde devant laquelle s'était posté le soldat Heather, sous les enfléchures prises dans la glace, est réduite en pièces. La brèche ainsi ouverte donne sur un toboggan de glace et de neige d'une dizaine de mètres de long, que la tempête de neige dissimule en partie. On n'aperçoit aucune empreinte dans le petit disque de neige éclairé par la lanterne du capitaine. ... [...]
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[...] ... Crozier voulait savoir s'il était possible de voyager sur la banquise à marche forcée, en tractant un bateau et un traîneau en pleine charge. Les onze hommes étaient partis le 23 mars, à sept heures du matin, par une température de - 39° C, salués par les hourras de tous leurs camarades en état de se lever.

Des Voeux et son équipe étaient revenus au bout de trois semaines. Si on ne déplorait aucune perte dans leurs rangs, ils étaient tous harassés et quatre d'entre eux souffraient d'engelures. Magnus Manson était le seule membre de cet équipage d'élite à ne pas sembler sur le point de mourir d'épuisement.

En trois semaines, ils n'avaient pu parcourir que quarante-cinq kilomètres en ligne droite. Par la suite, Des Voeux estima que la distance réelle qu'ils avaient couverte s'élevait en fait à deux-cent-quarante kilomètres, car il était impossible d'éviter les détours sur une banquise aussi accidentée. En mettant le cap au nord-est, ils avaient affronté des conditions climatiques encore plus dures que celles du Neuvième Cercle de l'Enfer, où ils étaient bloqués depuis deux ans. Les crêtes de pression étaient légion. Certaines s'élevaient à plus de vingt-cinq mètres. Il était malaisé de garder le cap lorsque les nuages occultaient le soleil et les étoiles elles-mêmes disparaissaient durant les nuits de dix-huit heures. Quant à la boussole, elle ne servait à rien si près du pôle Nord magnétique.

Ils avaient pris la précaution d'emporter cinq tentes, bien qu'ils n'aient compter en utiliser que deux. Mais les températures nocturnes étaient si basses qu'ils avaient passé les neuf dernières nuits entassés dans une seule tente, y dormant d'un sommeil au mieux agité. En fait, ils n'avaient guère eu le choix, les quatre autres ayant été emportées ou détruites par le vent.

Des Voeux avait réussi à maintenir le cap au nord-est mais, à mesure que le temps s'aggravait et que les crêtes se faisaient plus denses, les détours auxquels ils étaient contraints étaient de plus en plus fréquents, de plus en plus pénibles, et le traîneau avait souffert à force d'être hissé encore et encore sur des hauteurs de plus en plus escarpées. Ils avaient perdu deux jours à le réparer, bloqués dans un maelström de neige et de bise. ... [...]
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Alors le capitaine a déclaré : « C’est le scorbut, les gars. » C’était la première fois qu’un officier — capitaine, chirurgien, premier ou second maître — prononçait ce mot en trois ans. « Nous sommes victimes du scorbut, les gars, a-t-il poursuivi. et vous en connaissez tous les symptômes. Mais si vous ne les connaissez pas ... ou si vous n’avez pas assez de couilles pour y penser ... nous devons éclairer votre lanterne. » Alors, il a demandé au Dr Goodsir de le rejoindre et d’énumérer les symptômes du scorbut.
Ils approchaient à présent de l’Erebus. Peglar reprit :

— « Des ulcères, a dit Goodsir. Des ulcères et des hémorragies, sur toutes les parties du corps. Comme des petites poches de sang sous la peau. Qui coulent de tous les orifices de votre corps tant que dure la maladie : de votre bouche, de vos oreilles, de vos yeux, de votre cul. Vient ensuite une contraction des membres ; vos bras puis vos jambes se raidissent et refusent de bouger. Vous devenez aussi maladroit qu’un bœuf frappé de cécité. Ensuite, vos dents se mettent à tomber. » Goodsir a marqué une pause. Le silence était si épais qu’on n’entendait même pas respirer ces cinquante hommes. On n’entendait que le navire grogner et grincer dans son étau de glace. « Et pendant que vos dents tombent, a repris le chirurgien, vos lèvres virent au noir et se racornissent, exposant au jour ce qu’il vous reste de dents. Vous ressemblez à un mort. Puis vos gencives se mettent à enfler. Et à empester. Car telle est la source de la puanteur qui accompagne le scorbut : vos gencives en train de pourrir de l’intérieur. »
Peglar reprit son souffle.

— « Mais ce n’est pas tout, a-t-il poursuivi. Votre vision et votre ouïe sont affectées ... ainsi d’ailleurs que votre jugement. Soudain, il vous paraît tout naturel d’aller faire un tour dehors sans avoir enfilé ni vos moufles ni votre tenue de froid. Vous perdez le nord, vous ne savez même plus planter un clou. Et non contents de vous trahir, vos sens se retournent contre vous. Si l’on propose une orange bien fraîche à un malade du scorbut, l’odeur qui s’en dégage lui donne la nausée, le rend littéralement fou. Le bruit d’un traîneau glissant sur la neige lui est insupportable ; celui d’un coup de feu peut lui être fatal. »
« L’un des complices de Hickey a lancé une objection. “Mais on boit pourtant notre jus de citron !”
« Goodsir a secoué la tête avec tristesse. “Il ne nous en reste plus beaucoup en réserve, et ce qu’il nous reste ne vaut plus grand chose. Pour une raison qui nous est inconnue, les antiscorbutiques comme le jus de citron perdent leur puissance au bout de quelques mois. Notre jus de citron est vieux de trois ans et on n’en a quasiment plus.” »
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Même privé de lanterne, Crozier se déplacerait sans peine dans ces ténèbres infestées de rats; il connaît chaque centimètre carré de ce navire. Parfois, et notamment la nuit, lorsque gémit la glace, (...) Crozier comprend pour de bon que le HSM Terror est son épouse,  sa mère,  sa promise et sa putain. Cette intimité avec une dame faite de chêne et de fer, d'étoupe et de lest, de toile et de cuivre, est le véritable mariage qu’il connaîtra jamais. 
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Série TV - The Terror (2018) La première saison est l’adaptation du roman "Terreur" de Dan Simmons.
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