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Critique de ATOS


«Assommons les pauvres!» de Shumona Sinha aux Editions de l'Olivier est un roman sans concession.
La narratrice de cette histoire, nous dit son histoire, sa descente aux enfers, le quotidien de la misère.
La misère qui se déverse par vague successive. Un tsunami humain :« les contes des peuples migrateurs».
Traductrice dans un centre de demande d'asile, elle va prendre de plein fouet cette réalité rugissante: «Ils étaient le revers de la broderie, ils étaient le dos noir des poêles trop usés, ils étaient la face cachée de la mascarade. Les officiers les interrogeaient, ils répondaient, je traduisais, je faisais le trait d'union entre eux. ».
Mais le trait d'union doit s'imposer l'espace. La promiscuité de l'universalité de ces destins scarifiés va peu à peu mettre la narratrice face à sa propre histoire.
«Assommons les pauvres» c'est briser le miroir. Détruire une image insupportable puisqu'en l'autre il y toujours une partie de soi.
Elle tente elle même d'entrer dans le brouillard. s'enivrant d'histoires sans lendemain - «Je m'annule chaque fois que je vais à la rencontre des hommes de cette ville» -, se raccrochant à l'illusoire passion pour le visage d'une femme: Lucia .
Les mythes et les légendes naissent de l'esprit des Dieux, les humains n'ont que leur âme.
Dans ce magma boueux d'infortune, chacun est là pour sauver sa peau.
Un état d'urgence perpétuel. Et à ce jeu le mensonge s'installe, se répand, s'accroît comme une moisissure.
Le système dépassé par la force de cette vague essaie de conserver un semblant de légitimité. Tous, officiers, juges, avocats, traducteurs, demandeurs d'asile connaissent la distribution des rôles.
Mais il ne s'agit que d'une mise en scène dans un théâtre de chimères.
Existe t il un mètre étalon de la souffrance, de la désespérance?
Leur degré de souffrance, leur degré de désir de survie doivent être audibles pour notre monde. Notre compassion ne pourra se concevoir qu'en étant passer par le laminoir
de la conversion.
Il faut convertir sa douleur, la renier ,se soumettre à d'autres mots de prière, pour espérer survivre. C'est l'inquisition de la misère.
Alors tous jouent le jeu, essaient de trouver la meilleure réplique, le ton le plus juste.- Puisque tu ne pourras jamais comprendre - Inventons une histoire qui tiendra la route, toutes les routes.
La peur engendre toujours la violence. Mais ici la peur n'existe pas.
La narratrice n'a pas peur de l'Autre, cet Autre errant qu'elle connaît dans sa propre chair puisqu'elle ne cesse ne se reconnaître en lui: peau, parfum, souvenirs, langue maternelle. Ce qui va la pousser à cet acte violent c'est le mensonge. C'est le refus d'une complicité malodorante. «Je suis un narcopirate»
Lever la main sur un homme pauvre, acte subversif, geste tabou.
Briser le miroir pour émerger du cauchemar. le geste poussé au paroxysme de la douleur, Elle tend la main, non pas par compassion , mais par révolte.
Elle assomme la chimère et intime ainsi l'ordre à cet homme de reprendre un visage humain.
L'écriture de Shumona Sinha est introspective, directe, honnête,fluide.
Une très intense lecture.
Un livre pour voir le monde comme il se décline.

Astrid SHRIQUI GARAIN
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