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Critique de tessy2


Trois mots résonnent dans ma tête : roman autobiographique inceste.
Roman : la littérature, je la vénère, je la chérie, elle m'aide à comprendre, souvent mais ici ... ?
Autobiographique : je suis en doute.
Inceste : j'ai bien peur que ce ne soit trop insurmontable
Et je rumine ainsi plusieurs jours, et je me questionne. Et pourquoi devrais-je le lire? Mais pourquoi ai-je envie de lire ça ? J'ai presque honte tout à coup. Cette envie soudaine devient malsaine.
Et bêtement ou lâchement, je me raccroche à ce bandeau : prix Goncourt des lycéens 2023, prix Femina 2023.
Je me dis que si des lycéens et des lycéennes l'ont lu, d'autres avant moi...
Je me décide. Il est à la bibliothèque, dispo, j'y vais. Mince, il vient juste d'être commandé. Je vous le réserve me dit la bibliothécaire. Deux heures après, il est déjà revenu. Cela ne me rassure pas.
Je ne sais pas où je vais mais j'y vais....

L'incipit est cinglant et je comprends celui ou celle qui l'a emprunté avant moi. Une image choc, la vérité crue.
Je continue.
Je dois dire qu'écrire cette critique est difficile. Je ne me sens pas légitime.
Les cinq étoiles, signe de joie, et d'intense bonheur de lecture, me paraissent ici abjectes, déplacées. On ne peut pas conseiller une telle lecture car ce livre ne devrait pas avoir été écrit, car tout ceci ne devrait pas exister. le sujet du livre, le fait qu'il soit autobiographique me remplit d'un profond respect envers l'autrice et peu importe la forme qu'il prendra...

Je ne reviens pas sur les faits, ils sont suffisamment détaillés sur le résumé de la page. Je vais tâcher de vous donner mon ressenti.
Toutes les questions que je me suis posée font écho à toutes celles que l'autrice se posent sans cesse et continuellement dans le livre. La littérature ne nous sauve pas. Non ce serait trop simple en effet,mais , elle met un peu de distance avec cette horreur. J'ai commencé le livre puis j'ai fait une pause. J'ai lu deux lectures plus légères. Puis j'y suis revenue. Auparavant, j'avais lu quelques livres un peu plus difficiles que d'habitude. Inconsciemment, je mettais preparée.
L'autrice en fait de même. Elle s'aide de la littérature pour expliquer et comprendre, apporter des réponses. Elle donne son analyse de Lolita de Nabokov. On réflêchit avec elle et ses questionnements deviennent les nôtres. Il y a le "je"bien sûr. Bien sûr, il y a les faits. Il ne me faut pas beaucoup de mots pour me retourner l'estomac. Mais elle se doit de clarifier parfois la situation, mettre des mots sur ce qu'elle a vécu, sur ce qu' il lui a fait, ne pas faire de détours, de stupides métaphores juste pour ne pas choquer le lecteur. Sa démarche est juste.
Je salue la force qu'il faut s'en doute, pour ne pas trop en dire car elle en dit peu.
Elle tente de nous donner le portrait de ce beau-père mais c'est impossible. le livre commence par une tentative de récit, l'histoire par le début, le couple que formait ses parents, le divorce et l'arrivée de ce beau-père, son bourreau.
Mais cette tentative est vaine. On ressent à la fois la nécessité d'écrire et toute la difficulté que cela implique. Comment restituer une telle abomination ?
Elle s'aide des auteurs, de la littérature, de rapports scientifiques, sociologiques, de tout ce qui peut exister sur le sujet pour essayer de comprendre. Elle pousse très loin sa réflexion. Les questionnements s'enchaînent, c'est un puit sans fond.
Elle se demande pourquoi elle, pourquoi ne pas avoir parlé avant ?Le poids que doit porter l'enfant, celui d'être victime et bourreau lui même lorsqu'il dénoncera, qu'il brisera ce joli rêve de la famille idéale.
Il y a pendant et il y a l'après. Essayer de ne pas trop en vouloir à sa maman qui n'a pas su la protéger. Tout est cruel. Se demander ce que ça fait d'être à sa place, se dire qu'au fond tout ce que l'on est aujourd'hui, cette soi- disant force, c'est encore de lui qu'il est question, lui qui l'a changé. Toujours lui, toujours en revenir là, même au bout du monde. Et devoir l'expliquer à sa fille, la mettre en garde, ... Et être une ombre parmi nous.

Je pourrais citer des passages. Ils seraient nombreux. Je pourrais en parler des heures. Mais je dois conclure.
Inceste : le sujet de départ, la trame de fond, mais on va au-delà, on est bien après, une auto-analyse, et des conséquences insoupçonnées sur la vie quotidienne
Autobiographique : il fallait une voix, ce sera la sienne mais ni pathos, ni désir de vengeance, ni intention de nous choquer pour nous réveiller, de la sincérité et beaucoup de dignité.
Roman : pas vraiment une fiction, ni vraiment un roman mais ici beaucoup de littérature, des oeuvres, des écrivains, des réflexions sur l'écriture,
le témoignage d'une femme devenue écrivain avec des réflexions profondes sur l'existence.
Alors, ne restait plus que la reconnaissance, les prix littéraires, ils sont mérités. Puissent ces prix donner plus de poids à la parole des victimes,
faire changer les choses.
La littérature ne nous sauve pas mais elle nous ouvre les yeux et permet de recréer du beau.
Pour que la honte change de camp.
Lire n'est pas anodin. Libre à chacun...mais moi, j'ai lu une grande oeuvre, j'y ai trouvé des réponses et c'est déjà ça.

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