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Critique de dido600


Ce récit décrit la vie passionnée, tumultueuse et riche de l'une des hautes figures de la pensée universelle, en l'occurrence Avicenne ou Ibn Sina. On est subjugué par le savoir immense détenu par cet homme qui voue sa vie entière, à produire des connaissances dans différentes domaines scientifiques et philosophiques, et à ne jamais se lasser d'écrire jour comme de nuit, ses différentes observations et réflexions multiples transcrites dans les manuscrits, à l'aide de disciples fidèles et admiratifs face à l'abnégation et la passion de leur maître.

Mais Avicenne, c'est aussi le médecin qui n'hésite pas à accourir au chevet du malade, quelque soit sa condition sociale, construisant à 18 ans une réputation et une renommée incontestée dans le champ médical.

le savant Ibn Sina, curieux de tout, incontournable en médecine, consacre son temps à débattre avec d'autres savants, des sujets aussi divers se rapportant à la médecine, la philosophie, l'astronomie, etc. Très vite, le savant est capté de force ou de gré par les différents princes qui ont pour souci premier de «posséder» dans leur cour, les plus prestigieux savants, mais aussi d'élargir constamment leurs territoires, par la médiation de la guerre, et ce, des confins de la Turquie et de la Perse du XIème.

Ce récit nous raconte de façon saisissante et précise les rapports entre les savants de cette époque et les pouvoirs prêts à utiliser tous les stratagèmes pour les intégrer dans leur cour, en achetant à prix fort leurs compétences, ou n'hésitant pas à les poursuivre pour qu'ils se soumettent à leurs désirs et à leurs ordres. le savant est pris dans la tourmente et dans les drames produits par ceux qui ne se lassent jamais du pouvoir, rien que le pouvoir pour assouvir des vengeances ou des revanches. Ibn Sina, écrivant à son ami El-Birouni, lui-même grand savant astronome, lui rappelle ce propos combien significatif : «Il me souvient d'une phrase que tu as prononcée le soir où nous débattions dans la maison de mon père des «choses de l'univers». Tu disais: «Nous ne sommes que des fétus de paille sous le souffle de nos mécènes». Il ajoute: «Pour le plaisir du prince, j'ai joué, il y a bientôt quatre mois, le rôle d'un vulgaire faiseur de tours. Avais-je le choix ?».

Le savant Ibn Sina avait conscience de sa fragilité et de sa dépendance à l'égard des mécènes avides de l'intégrer dans leur sphère de pouvoir, pour qu'il prenne soin de leurs propres personnes et de leurs familles. Toute l'ambiguïté du médecin-savant, est qu'il est à la fois courtisé et intégré dans la cour des «grands» quand ses services semblent indispensables pour la reproduction du pouvoir des princes, mais rejeté et poursuivi quand il ose enfreindre les règles du palais du prince. Avicenne ou Ibn Sina devient tour à tour l'intellectuel organique au service de sa «majesté» qui le neutralise en lui offrant richesse et prestige; mais quand le «citron a été pressé», que ses services ne sont d'aucune utilité, il subira les foudres de ses anciens protecteurs, contraint au nomadisme, et à la quête d'un autre mécène.
Ce récit sur Avicenne est passionnant pour comprendre aujourd'hui encore les rapports ambigus entre les pouvoirs et les intellectuels. Bien sûr que le contexte sociohistorique est différent, mais les mécanismes politiques s'appuient sur des logiques et des registres analogues qui font aussi référence au mode d'intégration de l'intellectuel dans les sphères du pouvoir. de façon encore plus radicale, l'intellectuel n'est pas reconnu par sa production scientifique autonome et critique, mais essentiellement parce qu'il s'inscrit et adhère au jeu social dicté par le pouvoir. L'important est qu'il opère d'abord et avant tout dans la voie tracée par celui qui lui donne l'opportunité d'être du dedans, dans une sorte de collusion avec les autre acteurs politiques ou syndicaux qui participent dans un même élan de solidarité à consolider les puissants du moment. Il semble difficile d'être dedans et de continuer à aiguiser son sens critique ou de s'aventurer à remettre en question le mode de fonctionnement des institutions.
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