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Critique de Levant


A qui aurait pu adhérer au mythe qu'ont voulu échafauder les diverses sources littéraires et cinématographiques autour de l'auteur des sept piliers de la sagesse, Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom que lui a attaché le film de Davis Lean, Lawrence d'Arabie, Gilbert Sinoué recommande de considérer la légende avec précaution.

Il y a en effet de son point de vue matière à enquête pour déterminer à quel degré la légende aurait fait d'un personnage illuminé un héros au seul artifice que le décor, l'époque et l'acteur choisi pour sa ressemblance auraient produit un effet supérieur au naturel.

Les décors des mille et une nuits, les chevauchées dans le désert, le regard au bleu insondable de Peter O'Toole, la lutte des tribus arabes pour s'extraire du joug de l'Ottoman, n'y avait-il pas là tous les ingrédients pour forcer le romanesque. Au point de magnifier un mythomane à qui le contexte historique chaotique de la première guerre mondiale aurait quelque peu lâché la bride sur le cou, son pays étant plus préoccupé par les fronts de l'Artois et de la Somme.

Ou bien faut-il y voir de la part de Gilbert Sinoué, dont on connaît les racines égyptiennes, quelque compte à régler avec ces nations, dont l'Angleterre et la France, qui ont tracé des frontières à l'emporte-pièce et sont par-là responsables du malaise faisant du Moyen-Orient, et à n'en pas douter pour longtemps, une poudrière ?

Ce qui est sûr c'est que David Lean, du haut des cieux qui l'abritent désormais, doit bien regretter le ternissement de l'image de son héros devenu dans les mots de Gilbert Sinoué un personnage pathétique, dépourvu de sensualité pour ne pas dire asexué tant il avait la phobie du contact des corps. Une sorte de pantin frustré et nihiliste qui « devint victime de la légende qu'il avait lui-même entretenue. »

Le grand spécialiste du Moyen-Orient qu'est notre auteur franco égyptien a quelque peu trempé sa plume dans l'acide pour déchoir celui que le cinéma a érigé en héros. Il fut donc à ses yeux la vitrine de ce qui ne restera jamais qu'un symbole de l'impérialisme britannique. Et l'auteur de clore par une citation qu'il tire du film de John Ford, L'homme qui tua Liberty Valance, : « Si la légende est plus belle que la réalité, publie la légende. »

Le regard rêveur et énigmatique du héros a pris un voile, troublant encore un peu plus les mirages du désert.
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