Le monde est déprimant.
Dévoré par la bêtise.
Tous ces gens attroupés, appâtés par la tragédie et la mort. Tous ces téléphones transmettant les images d'horreur en direct sur Twitter. Une maladie des temps, sans retour.
- On devrait avoir peur de toi juste parce que t’es flic ? C’est ça ?
- Ce n’est pas ce que j’ai dit. Je...
- Encore heureux !
Elle s’approche de quelques pas, le pistolet dansant au bout de sa main.
- T’en sais beaucoup sur nos affaires ?
- Peut-être, dit Salva sans la quitter des yeux. Peut-être plus que tu crois.
- Dommage que tu puisses le dire à personne, alors...
Salva frémit. Cette crétine est l’incarnation de la nouvelle délinquance. Aucun cerveau. Aucune limite. Pas le moindre recul vis-à-vis de ses actes, encore moins de faculté d’envisager leurs conséquences.
Il venait d'avoir dix-huit ans, mais le juge n'a rien voulu entendre. Verdict : six mois fermes à la maison d'arrêt de Seysses. Depuis, Elie a conservé un pied dans les petites magouilles. La taule fait ça. Même quelques mois. Surtout quelques mois. Elle vous enchaîne à la lie de la société.
La trahison, dit-on, est la plus violente quand elle vient de ceux en qui on a toute confiance.
Seules comptent les apparences. Elles sont tout ce à quoi on s’attache. Quand elles sont accablantes, elles deviennent des preuves.
Rassurantes et définitives.
Tout ce que je veux - la vengeance
Tout ce dont j’ai besoin - la vengeance
Pardonner est divin
Mais la vengeance m’appartient
[Alice Cooper, « Vengeance is Mine »]
Rester à l’affût.
Dans la boue, la poussière ou les flaques.
Armes à la main. Tous sens aux aguets.
Se préparer à tuer. Encore.
Un peu plus à chaque opération.
...
Rester seule est le mieux.
Juste avancer.
Sans se retourner.
Puis il se tourne. Il se trouve face au miroir de l’entrée, qui a miraculeusement échappé au carnage et qui renvoie en cet instant son image comme une erreur dans la trame de la réalité. Même en le devinant au sein de la pénombre, quiconque poserait les yeux sur cette silhouette la trouverait beaucoup trop mince. Une anomalie. Son visage imberbe est d’une pâleur cadavérique, dépourvu de la moindre expression.
Le visage de la mort.
Implacable. Inéluctable.
Le spectre parfait son apparence en déposant un chapeau rond et noir sur son crâne. Pour mieux se fondre dans la nuit.
Pour mieux effrayer ceux qui doivent à présent payer.
(...)
Il bouge à nouveau, s’efface comme il est apparu. Sans un bruit. Sans une trace.
Tel le vent faisant à peine frémir les rideaux.
Juste ça. Un mouvement.
La vengeance qui se lance.
Maintenant.
- Si cette vie m’a appris quelque chose, c’est bien que les gens sont capables de l’impossible, quand ils sont suffisamment aux abois. Vous avez l’air aux abois, Olivier Salva. À vous de décider à quel point.