Chanson douce

Si l'entrée en matière est quelque peu brutale, la suite du roman est plus en subtilité, plus progressive, plus en accord avec le titre trompeur. La plaie intérieure qui ronge, et qui a mené au drame, est plus insidieuse que la découverte d'un lieu de crime. Et c'est tout l'objet de ce roman. Comme dans Colombo, on sait dès le début qui a tué, mais la comparaison s'arrête là. Ici, pas de suivi de l'enquête de police, pas de surprise ni de rebondissement, on n'est pas dans un roman policier. Juste un roman humain, qu'on pourra dire thriller, où on revient au début pour suivre le fil de ce qui a dérapé, repérer les indices comme des petits cailloux semés hors de la vue de tous, et puis les toutes petites choses presque insignifiantes, peut-être pas, on n'en était pas sûr, dont on n'aurait jamais soupçonné, un jour, qu'elles puissent être vues d'un autre regard. On entre dans la descente infernale, imprévisible, monstrueuse. Juste en être témoin, pas de compassion, pas de rejet non plus, aucun pathos, juste observer, savoir ce qui est arrivé. Sans jugement. C'est arrivé, voilà l'histoire, c'est tout. Avec un style fluide et sans fioritures, quasi quotidien, qui, par cette simplicité, sert les différents propos du roman : le carcan du lien social, le poids du silence, le mode de vie citadin moderne observé à la loupe, où chacun a sa place sociale (ou pas, et c'est bien là tout le problème !) inamovible, la survenue du grain de sable qu'on appellera folie ou ce qu'on voudra, l'imprévisibilité des destins, et puis surtout, cette nécessité impérieuse de l'homme, mis en exergue dès le début par une citation de Dostoïevski dans Crime et Châtiment, de pouvoir aller quelque part. Magistral !
Encore un livre dévoré en moins de 24h tellement j'ai adoré !
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