AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pecosa


Un an après la sortie de L'étoile jaune de l'inspecteur Sadorski , voici déjà la suite, L'ange du péché. Et quelle suite! 655 pages denses à souhait qui marquent un tournant dans la vie de Léon Sadorski comme dans le quotidien de la France occupée.
Nous sommes en mars 1943. Au mois de février, l'armée allemande a subi un cuisant échec à Stalingrad, et la population française réalise que la défaite du Reich n'est qu'une question d'années. Les plus lucides -ou les plus pragmatiques- se disent que le vent tourne et qu'il est temps d'assurer ses arrières lorsque l'heure viendra de rendre des comptes.
Le quotidien est toujours rythmé par la survie, la nécessité impérieuse de se nourrir, de ne pas faire de vague, d'attendre. L'existence de Sadorski partagée jusque là entre son travail, ou plutôt son sacerdoce de chasseur de juifs et de résistants à la 3e section des Renseignements Généraux et ses "deux femmes", son épouse Yvette, et sa voisine juive Julie cachée chez eux depuis l'année passée va se trouver confronter aux « autres ». Jusqu'à présent, il était un cador, le maître absolu de son existence et de celle de ses victimes, armé de sa carte de police. Or, depuis quelques temps, il n'est plus le seul maître à bord. Le secret concernant la cachette de Julie n'en est plus un et les oreilles indiscrètes ne sont pas les plus bienveillantes. L'Inspecteur principal adjoint, grand salaud devant l'éternel, va se retrouver confronté à aussi sinon plus salaud que lui, des salauds ordinaires mus par le fanatisme ou l'appât du gain, trafiquants du marché noir, policiers zélés ou tueur de masse allemand.
L'ange du péché est aussi une prise de conscience, celle de la Shoah et de la destination véritable des juifs et des résistants déportés de France vers un Est un peu flou. Romain Slocombe instaure toujours beaucoup de distance entre lui et ses personnages, donnant à voir le décalage énorme entre le sort des hommes et des femmes torturés dans les locaux des Brigades Spéciales, ou celui des internés de Drancy, et l'existence dorée des trafiquants de tout poil et du Paris culturel. Car les deux obsessions de Sadorski, les juifs et les femmes, vont l'amener à côtoyer les deux milieux, les camps d'internement français et les plateaux de cinéma où Robert Bresson tourne son premier long-métrage, Les anges du péché.
Avec ce troisième opus, moins focalisé sur les enquêtes criminelles, mais toujours aussi brillamment construit et aussi riche d'anecdotes sur le Paris occupé, Romain Slocombe plonge le nez de Sadorski dans ses contradictions, tout en dépeignant ses instincts les plus primaires, qui vont du viol au meurtre sans le moindre état d'âme. Dans la France de 43, seuls les cyniques survivent, les plus candides finissent tous broyés par la grande machine répressive. L'ensemble est toujours aussi érudit, sombre et oppressant. On espère que ce n'est pas une trilogie et que l'on verra Sadorski répondre enfin un jour de ses actes.
Commenter  J’apprécie          879



Ont apprécié cette critique (69)voir plus




{* *}