- Parfois, au milieu de la nuit, dit-il, quand je suis au studio, une chanson me fait penser à toi. Un vers, ou juste un riff qui me remonte le long de la colonne vertébrale, comme tu le fais avec tes doigts. Et, soudain, l'odeur de ta peau me manque. Ta façon de soupirer et de cligner des yeux quand je m'introduis en toi me manque. Ou ta manière de rire à mes blagues idiotes. Et ça se produit parfois en plein milieu de la journée, quand je suis à la station, alors que je sais que tu es dans ton bureau, à l'étage, et qu'il me faudrait moins d'une minute pour monter te voir.
Je ne sais comment, je retrouve ma voix.
- Et pourquoi tu ne le fais pas?
Il croise mon regard, me coupant ce qui me reste de souffle.
- Parce que je veux te manquer, moi aussi.
- Où est mon père? Est-il encore en vie? Je connais la réponse à cette question. Les cafards trouvent toujours le moyen de survivre.
Je passe la journée de Thanksgiving à me taillader les doigts. Pas intentionnellement, contrairement à Jeremy ou à ma meilleure amie, au lycée. Comme je ne suis pas douée pour cuisiner, David m'a assignée aux travaux annexes : Ciara, pèle ceci; Ciara, émince cela... "Ceci" se révélant être mon index, et "cela" mon pouce gauche. Il y a suffisamment de sang dans les pelures de pommes de terre pour en faire un copieux petit déjeuner de vampire.
Il s'agirait d'une organisation secrète, comme celle des francs-maçons, mais ils ont surtout évoqué de quelle manière les femmes étaient en train de s'emparer du pays.
Je m'étouffe.
- Quelles femmes? Celles qui gagnent 77 cents chaque fois qu'un homme se fait 1 dollar?
Alors, maintenant, c'est mon chien contre mon père. Je me demande qui d'entre eux a fait preuve de la plus grande loyauté à mon égard, et qui des deux accepterait de me venir en aide en cas de nécessité.
Inutile de se poser trop longtemps la question. Dexter l'emporte haut la patte.
C'est mon boss. J'ouvre le clapet du téléphone.
- David, tu sais bien que je ne travaille pas le dimanche, à cause de ma pieuse dévotion pour l'Eglise de saint Tire-au-Flanc.
- Je déteste les chiens.
- Comment peux-tu ne pas les aimer? C'est le meilleur ami de l'homme. Tu es un homme, non?
- Un homme qui s'est régulièrement fait pourchasser par le doberman du voisin, quand il avait sept ans.
- J'admire le fait que tu sois capable d'affronter le passé. Chaque fois que le mien surgit, je cligne des yeux très fort jusqu'à ce que je parvienne à penser à autre chose.
Franklin se met à ricaner.
- Dis à David la matière que tu as prise, ce semestre. Je dresse la tête et annonce l'intitulé du cours :
- Ethique des affaires. David éclate de rire
- Ca compte comme une langue étrangère?