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Critique de domi_troizarsouilles


Je viens de finir ma lecture, et je suis assez dubitative… Ce livre ne me laissera pas un souvenir impérissable, mais les trois (et même quatre, façon trois mousquetaires) sont tellement touchants en leur genre, qu'on les quitte avec un petit regret ! À cela se mêle un vague sentiment d'appartenance, ce besoin d'apprécier – ou pour le moins d'être particulièrement indulgente si je n'ai pas trop apprécié – ce jeune auteur compatriote, dont la plume, sans être éblouissante, est suffisamment particulière pour se faire remarquer.
À vrai dire, j'ai emprunté ce livre à la bibliothèque, car j'avais repéré « Ex Dei » en librairie, du même auteur évidemment, que plusieurs critiques considèrent comme une suite, même si les deux pourraient apparemment se lire séparément. Il n'en reste pas moins que, si « Ex Dei » est au moins un peu une suite, je devais d'abord lire l'entrée, qui est donc ce livre-ci.

On rencontre ainsi trois arnaqueurs professionnels à l'occasion d'un de leurs tours de bas étage qui leur permet à peine de survivre : c'est James (Jimmy) Laany, la narrateur elfe ; son ami Jorg le troll, race mal-aimée dans cette ville nommée « Nowy Kraków », qui se situerait dans une région au climat désormais régulé par magie, et qui rappellerait une ancienne ville polonaise (Kraków, c'est la magnifique ville de Cracovie en fait ! et Nowy Kraków veut dire littéralement « nouvelle Cracovie », en polonais), placide et constamment embêté par se grande taille ; et Élise, la « demi », mi-humaine mi-elfe, ainsi nomme-t-on les métisses entre les différentes races, qui vivent difficilement le fait de n'appartenir vraiment à aucune, et la particularité d'être stériles de naissance. Ainsi, lorsqu'un étrange et richissime humain leur propose une mission qui sera grassement rémunérée, et malgré une méfiance toute légitime envers cet étrange homme, ils acceptent la mission, qui consiste à dérober une pierre hors de prix, le « Rein d'Isis », lors d'une soirée privée dans une maison huppée.
Le livre s'occupe essentiellement de tout ce qui tourne autour de ce « casse » qu'ils vont minutieusement préparer, très vite rejoints par leur concurrente sur la même affaire (engagée par les mêmes riches commanditaires), l'humaine Mila ; puis le casse même, et enfin la chute quand ils vont remettre la pierre (car évidemment ils arrivent à se la procurer, il n'y a quasi aucun doute dès le début, ce n'est même pas un spoil !) à leur commanditaire.

Et ciel, que je me suis ennuyée durant la 1re partie, celle de la préparation du casse ! À part dire et répéter qu'ils n'avaient pas le début d'une idée et se soûler au bar du coin, il ne se passe pas grand-chose. Certes il y a les démarches d'approche, mais tout cela prend tellement de temps et manque cruellement d'action, avec la logorrhée du narrateur qui noie réellement le peu qu'il se passe… heureusement ça bouge enfin le jour J, et ensuite on ne cesse plus d'être surpris jusqu'à la dernière page !

Un autre point qui m'a un peu embêtée est le monde dans lequel évoluent nos trois puis quatre héros. Il est extrêmement bien développé, on ne peut le nier. On découvre les choses au fil de la narration de Jimmy, l'air de rien, happant un nouvel élément ici ou là, et l'ensemble crée un monde tout à fait cohérent et surprenant par certains aspects : au-delà d'un monde fantasy, on est bel et bien sur notre terre, mais dans un futur lointain (du moins on le suppose, car aucune date n'est jamais mentionnée), où le climat est régulé par magie, généralement sur beau temps, et où les progrès de la civilisation ont désormais lieu en Afrique, continent qui fait rêver les pauvres (Européens ?) d'une ville comme Nowy Kraków… Les humains semblent encore dominants, mais partagent leurs villes avec d'autres races, dont les elfes (ou les trolls bien moins acceptés), peut-être d'autres aussi laisse-t-on entendre mais sans les citer, et donc les fameux « demis »… le seul truc qui m'a gênée finalement, c'est que tout au long de l'histoire, quelquefois Jimmy rappelle l'une ou l'autre de ses particularités d'elfe, et alors systématiquement une petite voix me disait : « Ah c'est vrai, c'est un elfe ! » … comme s'il n'était pas assez typé pour que je m'en rappelle spontanément. Ou peut-être l'auteur a-t-il voulu faire passer un message de tolérance l'air de rien ? Message qui est assez évident dès qu'il s'agit du troll, un peu moins quand il s'agit des « demis » même si on compatit à leur triste sort… mais l'elfe devient tellement proche de nous, comme un ami un peu filou, qu'on le voit à notre propre image (d'humain) finalement.

Et donc, toute cette histoire se déroule à la 1re personne du singulier avec Jimmy comme narrateur. Cette longue narration a des allures de logorrhée, comme je le disais plus haut : on a le flot ininterrompu des pensées de Jimmy, ça part dans tous les sens (mais ça fait sens malgré tout), tout le temps, y incluant aussi bien les réalités de sa vie, ses pensées du moment, ses espoirs, ses souvenirs, et les actions auxquelles il participe, et qui vont aller en s'accélérant, pour le plus grand plaisir du lecteur. On a très vite l'impression d'être avec lui dans sa tête, et c'est la tête d'un type incapable de tenir en place (il le répète d'ailleurs lui-même à plusieurs reprises). Dans notre société ce serait l'hyperactif de la classe qu'on ne sait pas canaliser, mais que l'on supporte quand même car il présente une intelligence évidente, sans jamais se prendre au sérieux toutefois : on est davantage dans une espèce d'autodérision (bien typique de par chez moi, soit dit en passant). Ce choix d'une telle narration ne permettant pas une écriture trop littéraire, l'auteur compense par un style extrêmement entraînant, débridé, qui ne laisse pas le lecteur reprendre son souffle, c'est tellement prenant qu'on ne lâche pas ! Eh oui, c'est à tel point que, même dans la partie initiale où je me suis quelque peu ennuyée à cause du manque d'action, cette exubérance de la narration fait qu'on continue de lire quand même, comme si on savait que, d'un moment à l'autre, ça allait basculer, et que le rythme ne cesserait plus de s'accélérer jusqu'au final, où on se laisserait retomber comme un athlète dopé aux endorphines après avoir gagné sa course.

En conclusion, ce n'est peut-être pas le meilleur roman de fantasy que j'aie jamais lu, mais c'est un premier roman très prometteur, et sa narration façon loghorrée à un rythme effréné lui donne une place particulière dans la littérature du genre (du moins si je compare avec ce que j'en ai déjà lu). Si l'histoire, et surtout sa trop longue introduction, ne m'a pas tout à fait convaincue, j'ai beaucoup aimé le monde dans lequel nos héros évoluent, une certaine ambiance, et les personnages vraiment touchants.
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